La France n’a plus d’otage en Iran, c’est le début d’une nouvelle page dans les relations franco-iranienne ?
Il faut rester très prudent, malgré la libération de Cécile Kohler et Jacques Paris, les différends géopolitiques entre les deux pays persistent et ne vont pas changer du jour au lendemain. C’est une épine en moins dans le pied de la relation franco-iranienne qui peut conduire à des changements mais je serai prudent sur ses impacts réels à longs termes.
C’est une victoire pour la diplomatie française ?
Sur le plan humain, compte tenu de la détresse des familles concernées, c’est toujours un joli coup. Cela prouve que la voie de la négociation a payé même si ça a été long. C’est un aboutissement.
Pourquoi l’Iran fait-il ce “cadeau” à la France ?
Contreparties financières, diplomatiques… je ne suis pas dans le secret des négociations mais ce qu’on sait en s’appuyant sur le passé, c’est qu’il y a forcément des contreparties. Au lendemain de la libération de deux otages britanniques le 16 mars 2022, Londres avait remboursé Téhéran d’un contrat d’armes passé avant la révolution, qui n’avait jamais été honoré par les Anglais après la chute du Shah.
Malgré les tensions, la diplomatie française reste efficace en Iran ?
Les deux pays ne sont pas d’accord mais discutent. Les canaux diplomatiques restent toujours ouverts et c’est important. Nous avons en France de grands experts sur les questions iraniennes.
La France porte, elle, une voix singulière vis-à-vis de l’Iran, se démarquant notamment des États-Unis ?
C’est ce qu’on disait il y a 20 ans, quand la France avait joué un rôle de médiation très important quand George W. Bush avait menacé de frapper l’Iran après avoir attaqué l’Afghanistan et l’Irak. On ne peut que regretter l’alignement progressif de la France avec la politique américaine. Un alignement qui s’explique certainement par le fait que la France et les Européens ne veulent pas se brouiller avec l’Oncle Sam duquel ils réclament l’aide militaire pour l’Ukraine. La voix singulière de la France a existé dans le passé, mais on ne l’entend plus trop.
Quels sont les points de tensions qui persistent entre la France et l’Iran ?
Les relations se sont brusquement dégradées lorsque Donald Trump est sorti de l’accord sur le nucléaire en 2018. Les Iraniens ont eu le sentiment que la France, et avec elle l’Europe, a appliqué sans broncher les sanctions américaines qui ont durement touché l’économie iranienne. Plus récemment, Téhéran a ressenti une colère profonde après que les Européens n’ont pas condamné les attaques israéliennes puis américaines contre l’Iran et ses installations nucléaires. Des attaques que le chancelier allemand à même encouragées. Du côté de Paris, on n’a pas digéré l’aide militaire iranienne à Moscou, avec notamment la livraison massive de drones qui ont durement frappé le territoire ukrainien. Participer à l’attaque d’un pays européen a été considéré comme un casus belli par la majorité des chancelleries européennes. L’animosité vis-à-vis de l’Iran est montée très rapidement.
Outre les sujets qui divisent, la France et l’Iran ont des sujets sur lesquels se rejoindre ?
Oui, il y a des éléments qui permettent de rapprocher nos diplomaties. Juste après l’accord sur le nucléaire, les relations économiques et diplomatiques s’étaient d’ailleurs drastiquement améliorées. L’Iran était considéré comme un pays important dans la lutte contre l’extrémisme sunnite, notamment contre Daech et a pu jouer un rôle important contre les exportations de drogue partant d’Afghanistan qui transitent par la Turquie. Par ailleurs, l’Iran dispose d’une classe moyenne éduquée qui représente marché très important pour les entreprises françaises. Enfin, les deux pays sont historiquement attachés à leur indépendance et se retrouvent dans leur vision gaulliste notamment vis-à-vis des États-Unis.
Propos recueillis par Etienne Ouvrier pour Le Progrès.
