Incendies à Los Angeles : comment s’adapter face au réchauffement climatique ?

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  • Mathilde Jourde

    Mathilde Jourde

    Chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Climat, environnement, sécurité

De violents incendies ravagent depuis plus d’une semaine la région de Los Angeles. Quels ont été les principaux facteurs climatiques à l’origine de ces incendies ?

Contrairement aux désinformations propagées par Donald Trump et relayées sur les réseaux sociaux sur les feux mortels (28 morts) et dévastateurs sévissant encore en partie en Californie depuis le 7 janvier, la violence de ces feux, rares en hiver, est surtout le résultat de facteurs environnementaux aggravés par l’action humaine.

Bien que les incendies en hiver ne soient pas totalement inhabituels en Californie, cette période reste généralement peu favorable aux feux de forêt. Cependant, plusieurs éléments convergents ont favorisé leur intensification dans ce cas précis. En premier lieu, les vents de Santa Ana, chauds et secs, caractéristiques des mois d’hiver, ont joué un rôle déterminant. Ces vents ont atteint des vitesses exceptionnelles, avec des rafales culminant à 160 km/h, permettant aux cendres et aux étincelles de se propager sur de grandes distances, multipliant ainsi les départs de feu. Par ailleurs, les températures exceptionnellement élevées pour un début d’hiver, couplées à un mois de janvier particulièrement sec, alors qu’il est habituellement pluvieux en Californie, ont intensifié les conditions favorables à l’embrasement. Le mélange d’une saison venteuse et d’une période anormalement sèche explique donc, en partie, la violence de ces incendies.

Des facteurs humains ont également aggravé la situation. Le réchauffement climatique, en particulier, a amplifié l’intensité des incendies. En effet, un phénomène peu connu, le « coup de fouet hydroclimatique » (whiplash en anglais), a également joué un rôle crucial. Ce phénomène désigne l’alternance de périodes particulièrement humides et sèches. Dans le cas de la Californie, les hivers pluvieux de 2023 et 2024 ont favorisé la croissance d’une végétation dense. Cependant, l’absence de précipitations durant l’automne 2024 et l’hiver 2025, a fait de cette végétation sèche un combustible idéal pour les incendies. Selon le climatologue Daniel Swain, ce phénomène, qui a largement accru le risque d’incendie dans la région, devrait se multiplier à mesure que les effets du changement climatique se font davantage ressentir. Enfin, l’urbanisation et l’étalement urbain de Los Angeles ont accentué la vulnérabilité de la ville aux feux. En effet, les habitations de Los Angeles sont souvent implantées au milieu ou à côté d’une végétation locale, le chaparral, sensible et sujette aux incendies, et les matériaux inflammables des habitations les exposent davantage à ces feux dévastateurs.

Quelles ont été les conséquences de ces incendies ? Quelles réponses ont par ailleurs été apportées par les autorités locales et le gouvernement états-unien ?

L’incendie de Los Angeles a entraîné des conséquences sociales et environnementales catastrophiques : 28 morts, plus de 180 000 personnes déplacées et plus de 10 000 bâtiments détruits. 16 000 hectares de végétation ont été ravagés, dans les zones urbaines et montagneuses. En plus des pertes humaines et de l’impact environnemental direct, d’autres conséquences moins visibles sont également à déplorer. L’air a notamment été fortement contaminé par des polluants atmosphériques. En effet, les infrastructures brûlées ont libéré de l’amiante, du cuivre ou du plomb, toxines représentant un important danger sanitaire pour les populations. L’eau a également été contaminée par l’air, et à travers les dommages causés aux infrastructures du réseau d’eau. La chaleur des incendies a, par exemple, fait fondre des tuyaux en plastique et des compteurs d’eau, libérant ainsi des produits chimiques dangereux dans l’eau.

L’incendie a également causé de lourdes pertes économiques, avec des dégâts estimés à plus de 150 milliards de dollars, ce qui pourrait en faire l’incendie le plus coûteux de l’histoire moderne de la Californie, voire des États-Unis. D’autres conséquences économiques concernant les compagnies d’assurance sont également à craindre. En effet, ces deux dernières années, certaines entreprises, telles que State Farm et Allstate, ont suspendu ou limité leurs couvertures assurantielles en Californie en raison de la trop importante exposition à de nombreux risques, comme les incendies, les tempêtes hivernales ou tremblements de terre. Cet incendie pourrait ainsi aggraver la crise actuelle de l’assurance, en incitant certaines entreprises à adopter de nouvelles stratégies de retrait. En effet, la localisation de l’incendie, au cœur d’une grande agglomération et dans des quartiers résidentiels aisés, a entraîné des pertes assurées estimées à environ 20 milliards de dollars. En devenant un marché de plus en plus risqué, la Californie devient également moins rentable pour les compagnies d’assurance, rendant ainsi leur couverture de plus en plus inassurable.

Enfin, l’incendie a également d’importantes conséquences politiques, notamment à travers son instrumentalisation à des fins partisanes. En effet, le camp républicain a largement recouru à la désinformation, avec la diffusion de fake news, pour affaiblir les dirigeants politiques démocrates californiens, et en orientant la colère populaire vers eux. Par exemple, Donald Trump a accusé le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, d’être responsable de la catastrophe en raison d’une politique de protection d’une espèce de poisson, qu’il aurait privilégiée au détriment de la sécurité des populations. De son côté, Elon Musk a pris pour cible Kristin Crowley, la cheffe des pompiers de Los Angeles, en critiquant les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) au sein des brigades de pompiers de la ville, tenant ces programmes pour responsables de l’inefficacité de la réponse à l’incendie. Cette récupération politique a permis de détourner l’attention des causes profondes de l’incendie, en particulier du rôle du changement climatique, tout en facilitant la marginalisation et la délégitimation des adversaires politiques.

Pour faire face à cet incendie, la réponse des autorités a été déclenchée dès le mardi 7 janvier, lorsque le gouverneur de Californie a proclamé l’état d’urgence. Selon les informations fournies par l’État de Californie, 8 000 pompiers ont été déployés pour lutter contre les incendies, parmi lesquels figuraient des « pompiers incarcérés » (personnes incarcérées pour des délits mineurs et formées dans le cadre d’un programme dédié aux détenus). L’armée américaine a également pris part à l’intervention, en déployant huit avions de transport tactique C-130 Hercules de l’US Air Force, équipés du système MAFFS II, un dispositif modulaire et aéroporté permettant de larguer de l’eau ou des retardants. L’US Navy a envoyé plus de 500 Marines, ainsi que 10 hélicoptères MH-60S Seahawk équipés de Bambi Buckets, des dispositifs suspendus destinés à larguer de l’eau. Enfin, 2 500 membres de la Garde nationale, une branche de l’armée spécifiquement formée pour répondre aux catastrophes naturelles, ont été mobilisés.

Les réponses apportées, en particulier par le gouvernement fédéral, ont suscité de nombreuses critiques, certains jugeant la gestion de la crise inadaptée, notamment en raison du manque d’approvisionnement en eau. Un réservoir majeur de Pacific Palisades, le réservoir de Santa Ynez, était notamment fermé pour entretien et vide au moment de l’incendie. Certaines bouches d’incendie étaient également à sec au début de l’incendie, ce qui a soulevé des questions sur la préparation et la gestion des incendies, ainsi que sur l’efficacité des infrastructures et des services de distribution d’eau de la ville.

États-Unis, Australie, Canada, France, Chili… Alors que les incendies et catastrophes climatiques se multiplient ces dernières années, quelle stratégie préventive ou adaptative doit être mise en place pour prévenir les incendies ?

Les changements climatiques entraînent des répercussions profondes sur l’intensification et la fréquence des événements météorologiques extrêmes. La hausse des températures qui favorise les conditions propices aux incendies de forêt risque, par exemple, d’allonger les saisons dans le temps. Ces évolutions soulignent l’urgence d’adopter des stratégies adaptées, notamment en matière de prévention, pour limiter l’ampleur de ces catastrophes.

Il est tout d’abord crucial d’agir à travers des efforts d’atténuation des impacts environnementaux, en réduisant l’empreinte carbone, la consommation d’eau, et les impacts sur la biodiversité, pour freiner les effets des changements climatiques. Parallèlement, l’adaptation au changement climatique au niveau de la gestion des risques d’incendie, est une priorité. Il est notamment essentiel de mettre en place des politiques préventives, en repensant le modèle urbain des agglomérations. Cela implique d’adapter les infrastructures urbaines et d’éviter de construire ou reconstruire dans des zones à fort risque d’incendie, à travers un aménagement du territoire qui éloigne les habitations des zones vulnérables. L’utilisation de matériaux résistants au feu est aussi des mesures essentielles.

Par ailleurs, une meilleure stratégie de gestion des incendies doit également prendre en compte le développement d’une meilleure réponse opérationnelle pendant les catastrophes, comme les enjeux liés à la gestion de l’eau pour la Californie par exemple. Enfin, des stratégies de gestion post-catastrophe sont également primordiales pour reconstruire les villes, en intégrant la nécessité de développer une résilience face aux risques climatiques.