ANALYSES

FOOT. Nîmes rétrogradé pour tentative de corruption : des sanctions à géométrie variable

Presse
18 mars 2015

L’annonce de la rétrogradation du club de Nîmes Olympiques est historique. Après plusieurs rumeurs de trucages ces dernières années en Ligue 2, la LFP a décidé de se saisir de cette affaire dès que l’instruction judiciaire fut rendue publique.


Pour rappel, plusieurs dirigeants du club ont été mis en examen pour avoir tenté de truquer des rencontres pour éviter la relégation. La Ligue avait annoncé qu’elle appliquerait des sanctions sévères contre tout fait avéré de trucage.


Au lendemain de l’annonce de la rétrogradation de Nîmes, et alors que la procédure pénale suit son cours, plusieurs enseignements peuvent être soulignés.


1. L’équilibre difficile entre justice sportive et justice pénale


Tout crime ou délit nécessite une sanction (rendue publique) afin de dissuader tout futur comportement déviant. Dans le sport, ce besoin de répression et de dissuasion est le même, sauf que le secteur sportif fait l’objet d’une spécificité, à savoir que sa gouvernance, majoritairement privée, superpose la justice sportive et disciplinaire à la justice pénale.


Lorsque émerge une affaire telle que celle du Nîmes Olympiques, la justice disciplinaire, plus rapide et requérant un niveau de preuve moindre, permet de pallier la lenteur de la procédure pénale.


L’équilibre entre les deux instructions est certes nécessaire mais délicat à trouver. La procédure disciplinaire de la LFP sur l’affaire de Nîmes a été confiée à un ancien directeur de la Police judiciaire (PJ), qui réalise donc ici un travail d’enquête privé.


Il a procédé à 137 auditions mais n’a cependant pas pu vérifier les comptes bancaires ou effectuer des écoutes téléphoniques car ce n’est pas du ressort de la LFP. Il a toutefois pu utiliser les retranscriptions des auditions réalisées par la PJ dans le cadre de l’instruction judiciaire, et a vraisemblablement eu accès aux résultats des écoutes téléphoniques réalisées dans ce même cadre.


La séparation entre les deux formes de justice est donc quelque peu floue. Reste à espérer que la procédure disciplinaire (qui n’est pas terminée car les décisions sont susceptibles de faire l’objet d’appels), ne va pas nuire à la procédure pénale, qui, elle aussi, poursuit en cours.


2. L’assouplissement du niveau de preuve


La différence entre les deux modes de justice repose principalement sur le niveau de preuve requis, qui est moins élevé pour les décisions disciplinaires.


Sur le sujet de la corruption sportive, la preuve est d’autant plus difficile à établir qu’il est scientifiquement impossible de démontrer que le comportement d’un athlète sur un terrain est déterminé par une quelconque volonté de délit. Des arrangements peuvent même être implicites.


Par exemple, sur le match Caen-Nîmes, où les deux équipes avaient toutes les deux besoin d’un match nul pour assurer le maintien de Nîmes en L2 et assurer la montée de Caen en L1, les deux équipes peuvent naturellement jouer le match nul sur le terrain sans contact préalable entre présidents et/ou joueurs. Et si les présidents se sont entendus via téléphone pour aboutir à un match nul, comment savoir si le président de Caen a vraiment fait passer cette information aux joueurs ?


Dès lors, comment établir la corruption ? Le « rapport d’expert » commandité par la LFP pour analyser les faits du match peut certes attester qu’il y aurait « carence volontaire significative du niveau de jeu des équipes » sur ce match, mais cela n’est qu’une observation dénuée de toute objectivité, puisque par exemple on ne pourra jamais prouver que tel attaquant a raté une occasion volontairement.


Toutefois, comme pour toute décision administrative, la justice sportive exige un seuil d’évidence moindre et c’est ce qui permet à la Ligue d’aboutir ainsi à des sanctions à effet immédiat. La LFP a contourné la difficulté en sanctionnant la tentative de trucage en elle-même (avérée par les écoutes téléphoniques), et non pas la concrétisation du trucage.


3. La géométrie variable des sanctions


Les auditions ont encore une fois confirmé que ces pratiques d’entente de fin de saison sont relativement courantes, notamment dans le football amateur. Dès lors, il était important que la Ligue fasse montre de fermeté et que les sanctions soient exemplaires contre le club de Nîmes et ses responsables.


La punition du club peut certes paraître sévère car ceux qui vont en pâtir (joueurs, sponsors, staff, etc.) sont dissociés de cette affaire. Mais il reste important de responsabiliser les clubs pour les actes de leurs dirigeants. À terme, les structures des clubs doivent notamment être plus attentives aux profils et au comportement des investisseurs.


Il est toutefois difficile de comprendre pourquoi ceux qui n’ont visiblement pas refusé la proposition d’arrangement proposée par le club de Nîmes n’ont pas été sanctionnés, ainsi que tous ceux qui ont refusé mais qui auraient dû reporter l’approche aux autorités compétentes.


Rappelons à titre de comparaison que dans le cas de l’affaire de fraude des joueurs de handball de Montpellier (2012), la justice sportive avait été clémente (un à six matches de suspension pour les joueurs impliqués), mais elle sera bientôt doublée d’une sanction pénale puisqu’un procès en correctionnelle est prévu d’ici la fin de l’année (les joueurs risquent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement, le chef d’accusation étant l’escroquerie).

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