L’Indo-Pacifique : quels enjeux pour l’Europe et l’Asie non-chinoise ?

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

  • Emmanuel Véron

    Emmanuel Véron

    Géographe, chercheur associé à l’Ecole navale et à l’INALCO, membre de l’IFRAE

Le concept Indopacifique suggère l’importance du domaine maritime dans les relations internationales et plus précisément en géopolitique. Support de la mondialisation d’une part, de la cristallisation de tensions entre États ou acteurs non étatiques d’autre part, la mer, en particulier de la façade asiatique du Pacifique à l’océan Indien est un support privilégié de la réflexion stratégique des puissances. Chacune d’entre elles développe sa propre interprétation. En ce sens, l’Indopacifique, d’abord par sa géographie (routes maritimes, détroits, diversités des configurations maritimes, zones portuaires, corridors vers l’intérieur des continents, etc.), puis par la densité des formes de rivalités et des tensions, fait l’objet d’une attention soutenue dans les milieux stratégiques et diplomatiques. Et le récent voyage de Jean-Yves Le Drian en Inde le confirme. Tensions avec Pékin, contentieux insulaires et menaces d’un expansionnisme chinois depuis les marges territoriales de l’Asie du Sud (Pakistan, Sri Lanka) et de l’Est (Cambodge, Myanmar, Laos, Thaïlande) font craindre à New Delhi un encerclement. D’où l’intérêt pour l’Inde d’élargir le périmètre de son action stratégique comprenant son environnement à la fois proche et plus lointain. La Look East Policy, engagée à partir de 1991 vis-à-vis des régions de culture indianisée puis la New West Policy mise en œuvre dès 2014 par Narendra Modi à l’égard des Proche et Moyen-Orient y répondent avec un succès mitigé. Difficile, il est vrai, pour l’ensemble de ces pays de résister aux propositions chinoises, à cette BRI (Belt and Road Initiative) mise en œuvre depuis 2013 par Pékin, s’appuyant sur d’importantes surcapacités commerciales et industrielles. D’où le rapprochement, tous azimuts, opéré par l’Inde avec les pays occidentaux. Ces derniers ont eux-mêmes pris la mesure de la dangerosité des projets chinois en repoussant pour Sines, au Portugal, les offres d’extension chinoises pour la zone portuaire, une entrée stratégique en Europe, ou encore le surendettement du Monténégro lié à la construction d’infrastructures par la Chine…