Tibet, un pays oublié ?

  • Katia Buffetrille

    Katia Buffetrille

    Ethnologue et tibétologue, chercheuse à l’EPHE, auteure de « L’Âge d’or du Tibet » (Les belles lettres, 2019)

Durant des décennies, personne en Occident n’avait entendu parler des Ouïghours et bien peu de gens savaient qui ils étaient. Les Tibétains bénéficiaient de l’aura du Dalaï-lama qui voyageait alors beaucoup et rencontrait chefs d’État et de gouvernement. Le Tibet et ses habitants continuaient à faire rêver et les vieux clichés attachés au pays et qui avaient la vie dure perduraient. Puis, juste après les soulèvements tibétains de 2008, il y eut les affrontements interethniques d’Ürümqi en 2009, l’incident de la place Tiananmen en 2013 et l’attaque au couteau à la gare de Kunming au Yunnan, en 2014, tous attribués à des Ouïghours et qui les a fait sortir de l’ombre. La montée en puissance de la Chine, la gouverne de plus en plus autoritaire de Xi Jinping, l’hyper réactivité des autorités chinoises en ce qui concerne le Dalaï-lama et la frilosité, pour ne pas dire la faiblesse, des pays occidentaux face à une Chine détenant un important pouvoir économique, ont conduit les gouvernements à ne plus recevoir le hiérarque. Il faut ajouter à cela une situation politique nationale et internationale compliquée, difficile et souvent inquiétante. Petit à petit, les médias se sont désintéressés du Tibet et des Tibétains.

Du côté des Ouïghours, il a fallu un temps long pour que l’Occident se réveille, mais finalement grâce au travail acharné de chercheurs, défenseurs des droits de l’Homme et activistes, la situation au Xinjiang a été mise en lumière, éclipsant celle du Tibet qui, bien que moins dramatique, n’en est pas moins très préoccupante.

Les quatre objectifs fixés dans le cadre du nouveau plan quinquennal (le 14e) donnent une idée de la direction dans laquelle les autorités vont s’engager au Tibet. Quatre axes ont été fixés : assurer la sécurité nationale et la stabilité régionale, accroître le revenu national, protéger l’environnement et enfin consolider la sécurité et la défense des frontières. Il est bien loin le temps où Deng Xiaoping disait à Gyelo Döndrup, l’un des frères aînés du Dalaï-lama que « tout pouvait être discuté à l’exception de l’indépendance »…