En Europe comme ailleurs, l’écologie a migré de la périphérie vers le centre du débat d’idées, puisqu’elle interroge la possibilité même du modèle politique moderne et de l’invention d’une société post-industrielle. Sur le plan national, elle ne procède donc plus seulement du projet politique des différents partis. Elle définit désormais à l’inverse leurs matrices politiques.
Si la politique de l’objet « nature » concerne classiquement la manière dont la nature s’intègre dans les processus politiques nationaux, la géopolitique de la nature interroge quant à elle la manière dont la nature s’intègre dans les processus politiques nationaux et internationaux. La nature est ainsi au centre des négociations du Green Deal sur le plan européen et des conférences des parties (COP) sur le climat ou la biodiversité au niveau mondial. À l’inverse, il est devenu concevable d’interroger la nature non plus seulement comme objet, arrière-plan, ressource ou usage, mais comme agent, actrice ou sujet du politique.
Une géopolitique de la nature ne peut donc se cantonner à examiner la manière dont la nature s’intègre comme un objet dans ces processus politiques nationaux et internationaux. Elle est forcée de penser la manière dont la nature fait effraction dans les grilles de lecture héritées de la géopolitique classique, dont elle émerge comme une actrice dans la représentation politique, et recompose les conceptions de l’espace, du territoire, de la souveraineté, de l’ennemi, de la frontière et de l’État.
Quel est alors le statut de la nature en science politique ? Que veut dire l’écologie en géopolitique ? Ce dossier se propose de poser la double question de la nature comme objet du politique et comme potentielle actrice de la géopolitique. La double réponse qu’une géopolitique de la nature est contrainte d’y apporter remet cependant en cause, par ricochet, la nature de la géopolitique elle-même. Ces deux (géo)politiques de la nature comme objet et comme agent sont-elles compatibles ou mutuellement exclusives ? Les présentes pages cherchent à retracer les pas qui cheminent de la politique abstraite de la nature aux multiples politiques concrètes de la nature.