Où en est l’Iran concrètement ?

Aujourd’hui, ce qu’on sait du programme nucléaire iranien, c’est qu’il a un taux d’enrichissement à hauteur de 60 %. En 2015, il était limité à 3,67 %. Par ailleurs ils ont 8 300 kg d’uranium enrichi, à tous niveaux confondus. Il n’y a pas de justification civile pour un tel niveau d’enrichissement d’uranium. Normalement, pour des besoins médicaux, on peut aller jusqu’à 20 %. Aujourd’hui, l’Iran a vraiment augmenté son enrichissement d’uranium. Le délai pour obtenir suffisamment d’uranium enrichi pour une bombe (90 %) est maintenant à quelques mois. Aussi, on considère que l’Iran est un état du seuil nucléaire. C’est-à-dire qu’il n’a pas l’arme atomique déclarée, mais qu’il a réuni presque tous les éléments nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire dans un délai très court.

Doit-on s’inquiéter ?

Ce n’est pas tant une question technique qu’une question politique. Il faut comprendre que l’Iran lui-même ne pourrait pas forcément bénéficier de la militarisation de son programme. Parce que ça en ferait une cible. C’est le cas aujourd’hui : on a des pays comme Israël et les États-Unis qui menacent de cibler et d’attaquer les installations nucléaires de l’Iran. Il y a débat au sein du régime politique iranien sur la possibilité de militariser ce programme nucléaire. La question c’est : s’il y avait des frappes sur ces installations, est-ce que ça n’aurait pas plus de coûts que de bénéfices ?

L’Iran est très opaque sur le sujet…

On a l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui s’occupe de surveiller la technique et les avancées de plusieurs pays, dont l’Iran. D’une part, elle vérifie le respect par l’Iran de ses engagements, et d’autre part, elle fait un rapport aux États membres pour alerter en cas de problème. Mais depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord en 2018, l’AIEA a perdu la capacité à suivre certaines activités de l’Iran. Ils n’ont pas de mesure en temps réel du stock d’uranium exact qui est dans les sites non déclarés.

Que sait-on des négociations entre l’Iran et les États-Unis ?

C’est paradoxal de la part de Trump de reprendre les négociations sur l’accord. Il l’avait jugé comme catastrophique et qualifié “de pire accord de l’histoire” en 2015. Sa justification, c’est de dire qu’il pense toujours que cet accord était mauvais, et qu’il essaye d’en obtenir un autre plus contraignant. En réalité, le nouvel accord risque de ressembler à l’ancien.

Comment se passent-elles ?

Cette semaine, les États-Unis ont rajouté des sanctions supplémentaires à l’Iran. C’est un petit peu l’antipode de cette logique de diplomatie qui a été enclenchée entre les deux états et qui rajoute des tensions supplémentaires avec l’Iran. Mais c’est peut-être dans la logique américaine de continuer cette pression maximale et d’être dans une position de pouvoir. Et l’Iran est déjà affaibli. Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, il a perdu le corridor stratégique qui lui permettait d’envoyer des armes au Hezbollah. Il est aussi fragilisé en interne : on a vu des manifestations d’une ampleur exceptionnelle, accompagnées d’arrestations massives, survenues dans le contexte de la mort de Mahsa Amini en 2022 et de la contestation du régime. Pour les États-Unis, c’est peut-être le meilleur moment pour que Téhéran cède davantage.