• Jean de Gliniasty

    Directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie (2009-2013)

On sait très peu de choses sur le teneur des accords passés entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Anchorage. Mais il est probable que le président ukrainien va être placé face à une sorte de proposition de plan de paix, agréée dans ses grandes lignes par les dirigeants russe et américain.

Cette proposition ne devrait pas être très éloignée de celle faite par Donald Trump à la mi-avril. Mais à l’époque, Vladimir Poutine avait fait l’erreur de prendre sur lui la responsabilité d’un refus et avait subi des menaces de sanction. Cette fois-ci, la balle est dans le camp de Volodymyr Zelensky.

Avant de partir, Kiev a annoncé qu’il faudra « discuter des détails ». Cela signifie que le président ukrainien est sans doute au courant des grandes lignes de ce qu’on va lui offrir.

Cela fait longtemps que Volodymyr Zelensky a envisagé des cessions de territoire. Sur le plan symbolique, le Donbass est important. Mais les Ukrainiens ne se font pas d’illusion sur la situation réelle du territoire.

Le cœur du Donbass est aux mains de la Russie depuis 2014 et le reste, qui a été conquis depuis lors, doit avoir été nettoyé de ces éléments pro ukrainiens. Tel qu’il est actuellement, le territoire n’a pas envie de revenir en Ukraine.

Le président ukrainien a des contraintes : la situation sur le terrain et l’opinion publique. Les Ukrainiens sont incontestablement lassés de la guerre. Une partie importante de l’opinion ukrainienne souhaite la paix, mais pas à n’importe quelle condition.

Il ne peut pas y avoir d’accord de paix sans Kiev. Les Russes, et les Américains surtout, savent qu’il faut tenir compte de ses intérêts. Ils ne pourront pas imposer la paix à l’Ukraine. Volodymyr Zelensky a donc une capacité de négociation. D’autant plus qu’il a l’appui des Européens.

Pour l’instant, la position européenne se confondait complètement avec celle ukrainienne. Leur mantra était « Nous soutenons l’Ukraine. C’est à elle de décider ce qu’elle va faire ».

En revanche, les Européens, dans le cadre de la coalition des volontaires, ont déclaré qu’ils étaient prêts à apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine. C’est maintenant qu’ils peuvent jouer un rôle comme élément de consolidation de l’accord de paix.

Le Kremlin a toujours dit qu’il ne voyait pas d’utilité à discuter avec Kiev tant qu’il n’y avait pas un accord de paix. Donald Trump a-t-il réussi à convaincre les Russes de se prêter à une telle réunion ?

Ce n’est pas totalement exclu si les négociations de l’accord sont suffisamment avancées. Ce qui était totalement impossible il y a quelques semaines devient envisageable.

Depuis le début, le président américain se moque complètement de l’Ukraine. Il veut normaliser ses relations avec la Russie. Kiev n’est qu’un obstacle sur le chemin. De plus, il considère que l’Ukraine est faible et que la victoire russe est inévitable.

Son rôle est de faire la paix aux conditions les moins mauvaises possibles pour l’Ukraine, étant entendu qu’elles seront quand même mauvaises.

Propos recueillis par Louise Deshautels pour La Dépêche.