Il a remporté une partie de la bataille, et a surtout imposé ses règles face à des partenaires qu’il accusait depuis longtemps d’être « déloyaux ». D’abord, il a fixé les droits de douane à 10% pour tous les pays du monde, ce qui a permis d’augmenter les recettes fiscales et donc de baisser les impôts des Américains, sans trop gêner les importations. Ensuite, il a annoncé, tableau à l’appui, toute une série de droits de douane beaucoup plus élevés selon les pays, avec des calculs parfois absurdes et totalement arbitraires. Tout cela pour pousser à des négociations bilatérales, même avec des partenaires historiques. Enfin, il a tapé encore plus fort avec la Chine ou le Brésil par exemple, pour des raisons plus stratégiques ou politiques.

Certains États ne négocient pas, mais leur situation peut être différente. Des pays isolés, comme le Cambodge, n’ont pas d’autre choix que d’accepter ces conditions. L’Australie a accepté sans négocier, car elle n’exporte pas beaucoup aux États-Unis. D’ailleurs, si la France était toute seule, sans l’Union européenne, ces droits de douane n’auraient pas trop affecté notre économie. Mais ce n’est pas le cas de l’Allemagne ou de l’Italie, qui sont plus dépendantes. Et l’Union européenne, que l’on décrit comme un poids lourd, a accepté l’inacceptable, car c’est 15% pour ses produits, mais 0% pour les importations américaines… La Chine, elle, tient tête, et veut prolonger la trêve commerciale [c’est le thème des pourparlers en cours depuis lundi à Oslo, en Norvège]. 

Il y a la question des retombées économiques, qui passe surtout par la fiscalité. Donald Trump affirme par ailleurs que tout le monde se bouscule pour exporter aux États-Unis, que les autres pays sont prêts à tout pour cela, y compris à payer des droits de douane. En plus, il obtient en contrepartie des investissements, et promet des usines, des emplois… Politiquement, c’est important pour lui, notamment avec les élections de mi-mandat en 2026. Mais il ne faut se leurrer : ce sont bien les consommateurs américains qui paieront la hausse des droits de douane, car elle se répercutera en bonne partie sur les prix de vente.

Oui, Donald Trump a bien joué son coup, mais les États-Unis ne sont pas notre seul débouché pour les exports, et toute l’économie mondiale ne repose pas sur les Américains. Il s’agit de la plus grosse économie du monde, mais il y a environ 80% du commerce mondial qui ne concerne pas les États-Unis. C’est vers ces zones que l’Europe devrait se tourner, le temps que les choses se calment. Les États-Unis ne veulent pas jouer le jeu, tant pis. Je pense qu’ils finiront par revenir. Mais en attendant, c’est vers des partenaires comme le Canada, le Mexique, l’Indonésie, le Japon qu’il faut aller pour reconstruire quelque chose qui ressemble à du commerce loyal.