Comment interpréter les déclarations de Donald Trump au sujet de la prise de « possession » de la bande de Gaza ?

Je les prends très au sérieux car elles s’inscrivent dans la durée et correspondent à ses convictions et à sa façon d’appréhender les problèmes au Moyen-Orient. Depuis fort longtemps, Trump a fait sienne la conviction que la question palestinienne était à ranger aux poubelles de l’Histoire. Au cours de son premier mandat, il avait mandaté son beau-fils Jared Kushner pour tenter de la régler sans prendre en compte l’avis des principaux concernés : les Palestiniens. Ce n’est pas la première fois que Trump évoque de prétendues solutions, mais cette fois-ci, elles sont particulièrement choquantes. C’est dû à un facteur supplémentaire inquiétant : son projet d’expulser les Palestiniens entre en parfait écho avec les positions des ministres Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, leaders de l’idéologie suprémaciste juive, qui incarnent le centre de gravité du gouvernement israélien.

La prise de possession de Gaza est-elle un projet réalisable ?

Sa mise en œuvre concrète est floue. Ma certitude, c’est qu’on ne peut pas expulser deux millions de Palestiniens accrochés à leurs terres et qui risquent de ne pas pouvoir revenir. Trump a déjà promu la possibilité de les déplacer en Jordanie et en Égypte. Mais ni les Palestiniens, ni les « pays de réception » ne veulent en entendre parler.

Or, avec Netanyahu, il avance peu à peu ses pions sur cette ligne. Depuis le cessez-le-feu, la Cisjordanie connaît un déchaînement de violence, avec des interventions militaires de grande ampleur. C’est purement et simplement une volonté de faire disparaître la question palestinienne par l’annexion. Cela ne fonctionnera pas, mais pourrait susciter de nouvelles douleurs.

On est bien loin du projet idyllique d’une « Côte d’Azur du Moyen-Orient »…

Trump raisonne comme un promoteur immobilier qui veut imposer sa volonté au reste du monde. C’est hallucinant : le type se dit qu’il va virer deux millions de personnes et installer qui il veut à Gaza, que ce soient des Israéliens ou des gens riches venus de partout, milliardaires et oligarques.

Qu’en est-il du respect du droit international ?

C’est une négation absolue : Trump se permet des déclarations contraires à l’esprit et à tous les usages de ce droit où, je le rappelle, est inscrite la perspective d’un État palestinien.

Ce mépris n’est pas nouveau, mais il est inquiétant : Trump est dans une logique de destruction du droit international et de tous les organismes qui contribuent à réguler les relations internationales, en première ligne l’ONU et l’OMS. Derrière Gaza se cache la volonté de restaurer la loi du plus fort.

Je souhaiterais que la résistance s’organise au niveau de l’ONU. Seul un rapport de force brutal limitera les foucades de Trump. Avec lui, les communiqués sont inutiles.

Qu’a-t-il à y perdre ?

Il y a l’enjeu de l’Arabie saoudite, le pays le plus en pointe de la région. Trump veut la persuader d’accepter un accord de normalisation avec Israël. Mais la condition requise, un État palestinien reconnu internationalement, est loin d’aboutir.