Avez-vous été surpris à l’annonce de ces survols de drones ?
Absolument pas. La protection réglementaire de ces bases pour le survol des drones n’est pas réellement assurée car elle n’est pas réellement nécessaire. Réglementairement, c’est interdit : survoler une base comme celle-ci est passible d’une contravention puisque c’est un acte de délinquance qui nécessite une enquête de police judiciaire pour trouver l’auteur et le traîner au tribunal.
Quel peut être l’objectif de cette action ?
L’objectif est un peu mystérieux car il y a deux grands acteurs potentiels. Il ne faut pas négliger une première famille : les États antagonistes. Ceux-là pourraient chercher du renseignement ou vouloir déstabiliser. Mais cette base est en place depuis les années 70, et tous les acteurs stratégiques intéressés par la force de dissuasion nucléaire française ont déjà dans leurs archives des photos aériennes et des relevés par satellite extrêmement précis. De toute façon, on ne voit rien à l’extérieur, car les sous-marins sont dans un espace protégé à l’intérieur.
S’il s’agit d’un ennemi, l’objectif serait donc de provoquer de l’inquiétude au sein de la population ?
Je pense que ces gens-là souhaitent propager de l’appréhension et de l’angoisse, surtout si cela rebondit fortement dans les médias. Le but est de susciter des réactions du style : « Nous ne sommes pas protégés ! Notre base sous-marine est survolée ! ». Ce sont des drones de petit format et je ne pense pas qu’ils puissent commettre des dégâts importants sur une telle base militaire.
Quelle est la deuxième famille d’acteurs que vous mentionniez ?
Celle des provocateurs. Vous avez celui qui vient d’acheter un drone et qui s’assoit sur la réglementation, avec un petit côté contestataire, et qui va survoler un lieu interdit. Vous pouvez aussi avoir un groupe beaucoup mieux organisé politiquement qui veut montrer que l’État peut être contesté. On a un peu de tout là-dedans.
Est-ce inquiétant qu’un site stratégique de ce type soit visé sur notre territoire national ?
Franchement, je ne le pense pas. Les installations sensibles que contient un site comme celui de l’Île Longue, à l’image des sous-marins, sont enterrées sous des mètres de béton. Ce genre de drones ne peut causer aucun dommage réel. Au pire, des dommages de façade s’il y a de l’explosif dedans, mais après plusieurs mètres de béton, il n’aura rien fait.
La France est-elle davantage ciblée qu’auparavant ?
Ces événements peuvent signifier que la France est l’objet de survols de la part d’un État antagoniste qui veut faire croire à la population qu’elle est « mal défendue ». Il veut donner l’impression qu’on peut survoler impunément des sites stratégiques, mais cela ne veut rien dire quant à l’efficacité militaire du geste. C’est surtout le rebond médiatique qui importe.
Doit-on minimiser ce qu’il vient de se passer ?
Il faut plutôt les replacer dans un contexte. Depuis l’affaire des drones qui ont survolé de nombreux aéroports et sites sensibles dans le nord de l’Europe, il y a beaucoup de déclarations péremptoires accusant directement les Russes. On doit se calmer, car on ne sait pas si c’est eux-mêmes si certains indices peuvent le laisser penser. Et surtout, il ne faut pas s’épuiser à réagir comme un taureau excité par un chiffon rouge, car ça n’amène rien. Ce qu’il faut, c’est faire des enquêtes sérieuses pour savoir d’où partent ces drones.
Propos recueillis par Yohan Lemaire pour La Dépêche.
