• Jean de Gliniasty

    Directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie

On ignore encore de qui est venue exactement la décision d’annuler. Ce qui est sûr, c’est que Donald Trump a changé de pied. Jusqu’ici, il avait adopté la position russe : celle d’un accord définitif qui réglerait les causes fondamentales du conflit. Les Russes refusaient un simple cessez-le-feu, qu’ils jugent provisoire et sans effet réel. Mais récemment, le président américain s’est rallié à l’idée d’un cessez-le-feu, soutenue par les Européens et par Volodymyr Zelensky.

D’après ce qu’on sait, cette évolution est directement liée à son entretien avec le président ukrainien. C’est une rupture avec la ligne russe, réaffirmée par Sergueï Lavrov, qui veut un accord global et définitif. Dans ces conditions, la réunion Trump-Poutine n’était tout simplement pas prête.

C’est le résultat du pouvoir de persuasion de Volodymyr Zelensky, mais aussi du réalisme américain. Le cessez-le-feu est un résultat rapide, plus facile à valoriser politiquement. Donald Trump veut pouvoir dire qu’il a ramené la paix, même partielle.

Les Européens partagent cette approche : arrêter d’abord les combats, puis traiter les causes profondes : statut des régions, langue russe, sécurité… Ce sont plutôt des discussions de long terme.

Absolument. Il a réussi à imposer, au moins partiellement, sa vision à Donald Trump. Le président américain admet désormais qu’un cessez-le-feu pourrait constituer une première étape avant une véritable négociation de paix. Les Européens partagent cette approche.

De son côté, Vladimir Poutine, convaincu par ses généraux qu’il progresse sur le terrain, estime qu’il gagne du temps. Chaque jour passé, ce sont quelques kilomètres carrés supplémentaires contrôlés en Ukraine. Il pense donc améliorer ainsi sa position de négociation.

Pas vraiment. Le président américain reste fidèle à la tradition américaine de la « diplomatie de la navette » : parler à un camp, puis à l’autre, proposer des compromis, exercer des pressions. Il a parlé à Vladimir Poutine avant de rencontrer Volodymyr Zelensky. Ce n’est pas un désaveu personnel, mais un ajustement tactique.

La presse russe continue d’ailleurs de le considérer comme un interlocuteur valable. Moscou voit toujours Washington comme un partenaire plus sérieux que les Européens, jugés trop alignés sur Kiev.

Probablement, même si rien n’est exclu. Donald Trump voudra s’assurer qu’il y aura un résultat concret avant toute rencontre. Il ne veut pas d’un sommet pour rien.

Côté russe, on a perçu une légère hésitation sur la question du cessez-le-feu. Moscou pourrait l’accepter à certaines conditions : par exemple, un engagement sur la non-adhésion de l’Ukraine à l’Otan ou une suspension des livraisons d’armes américaines. Les Russes cherchent à assortir ce cessez-le-feu de garanties politiques.

Ils ont d’ailleurs proposé récemment un compromis : garder le Donbass en échange d’un retrait partiel de Zaporijia et Kherson. Mais cette idée reste inacceptable pour Kiev, et Washington le sait. La négociation est donc bloquée sur la question territoriale.