Notes / Océan
7 mai 2025
L’« ocean stewardship » : entre référentiel éthique, cadre de gouvernance et outil stratégique

L’océan occupe une place stratégique dans les équilibres écologiques, économiques et géopolitiques mondiaux. Pivot des dynamiques climatiques, il constitue également une infrastructure essentielle du commerce international et un réservoir de ressources naturelles. Pourtant, l’intensification des pressions anthropiques remet en question sa résilience et la stabilité des systèmes qui en dépendent. D’une part, le changement climatique altère profondément ses propriétés physiques et chimiques, provoquant notamment l’élévation du niveau de la mer et son acidification. En parallèle, l’industrialisation de la pêche et le développement des capacités d’opération – notamment en haute mer – provoquent une intensification de l’exploitation des ressources marines. Face à ces transformations, la gouvernance de l’océan demeure fragmentée, en tension entre souverainetés nationales et espaces internationaux régis par des cadres juridiques encore lacunaires et sectoriels. Le droit de la mer peine à encadrer efficacement l’exploitation des espaces maritimes au-delà des juridictions nationales : les négociations sur la gouvernance de la haute mer illustrent les défis de mise en œuvre effective et de cohérence institutionnelle dans la coordination entre États, organisations internationales et acteurs privés dans la définition de normes.
C’est dans ce contexte qu’émerge la notion d’ocean stewardship – issue du concept plus large de stewardship environnemental –, qui est mobilisée par des acteurs aux intérêts divergents : les scientifiques l’envisagent comme un cadre écosystémique, les institutions internationales le promeuvent comme un principe de gestion durable, tandis que les entreprises maritimes l’intègrent dans leurs stratégies de responsabilité sociétale. Cette hétérogénéité d’interprétations, loin d’être anodine, interroge la cohérence et l’articulation des approches, conditions essentielles pour faire du concept un levier d’action. L’ocean stewardship oscille ainsi entre un cadre d’action fondé sur la compréhension et le respect des dynamiques écosystémiques, un référentiel normatif et une approche de régulation volontaire. Malgré son utilisation croissante, il demeure un concept aux contours flous, dont l’absence de définition harmonisée pourrait favoriser les usages opportunistes et affaiblir la portée.
Cette note aura ainsi pour but de clarifier les différentes acceptions du terme, d’identifier les convergences et divergences entre les principales catégories d’acteurs qui s’en emparent, et d’en proposer une définition opérationnelle qui permettrait de faire du stewardship un levier effectif de gouvernance maritime.