Inde – Pakistan : un réel retour à l’apaisement ?

6 min. de lecture

Alors qu’un processus d’escalade militaire semblait s’engager, la supériorité indienne, pourtant effective tant sur le plan quantitatif que qualitatif, a eu peine à s’affirmer. Comment expliquer un tel décalage entre le potentiel affiché et les résultats observés ?

Le conflit s’est arrêté avant de dégénérer en guerre à outrance et s’est limité, quatre jours durant, à des tirs de missiles, de drones et à des combats aériens. Dans ces trois domaines, le Pakistan pouvait afficher une quasi-parité avec l’Inde. Les pertes de l’aviation indienne, reconnues du bout des lèvres par le chef de l’armée de l’air, mais non confirmées dans le détail, tiennent à plusieurs facteurs. D’une part, lors de son attaque dans la nuit du 6 au 7 mai, l’Inde a veillé à ne frapper que des cibles identifiées par elles comme « terroristes » en s’abstenant soigneusement de viser les installations militaires pakistanaises, afin de ne pas donner de raisons au Pakistan de riposter. Naturellement, ce n’est pas ainsi que les autorités d’Islamabad ont vu les choses et les responsables pakistanais ont surtout vu que l’armée indienne avait frappé leur territoire. Néanmoins, en ne détruisant pas les défenses antiaériennes pakistanaises, les militaires indiens ont rendu vulnérables leurs propres avions. D’autre part, les Pakistanais ont pour la première fois au combat recouru à des armements chinois récents, notamment les avions J-10C et les missiles air-air PL-15. C’était la première fois que l’ensemble de ces appareils étaient testés en combat aérien réel et, s’il nous manque encore de nombreux détails, on ne peut pas exclure que les Rafales de fabrication française aient à cette occasion rencontré des adversaires à leur mesure. Enfin, il est possible que, tout en disposant des renseignements militaires nécessaires, les dirigeants militaires indiens aient sous-estimé les capacités de leurs adversaires.

Comment la communauté internationale se positionne-t-elle face aux enjeux sécuritaires et stratégiques de ce conflit ?

Après le massacre de Pahalgam, le 22 avril, l’Inde a reçu le soutien – moral – de l’ensemble de la communauté internationale. Mais, à sa grande frustration, ce soutien ne s’est pas traduit par un appui politique (à l’exception d’Israël) même lorsque New Delhi a lancé ses représailles contre le Pakistan, accusé par l’Inde d’être le véritable auteur des attentats du 22 avril. Le Pakistan, de son côté, a reçu l’appui politique de la Chine, de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, les drones de cette dernière ayant causé de nombreux dégâts en territoire indien. Le reste des nations a prodigué des conseils de retenue aux deux belligérants, ce que l’Inde, ulcérée, considère comme une mise à égalité de l’agresseur (le Pakistan, à travers son appui aux mouvements terroristes au Cachemire) et de l’agressé, à savoir elle-même. Les États-Unis, dont le gouvernement Modi a tout fait pour se rapprocher, même après l’imposition de tarifs par Trump le 2 avril, se sont dans un premier temps, par la voix du vice-président James David Vance, déclarés non concernés par ce conflit.

Cependant, après la riposte pakistanaise aux représailles indiennes, l’escalade entre les deux pays a pris un tour inquiétant, surtout lorsque l’armée indienne a visé une base militaire pakistanaise à Rawalpindi, le siège de l’armée pakistanaise, tout près de la capitale Islamabad. Fondée sur des renseignements dont le détail n’a pas été publié à ce jour, la crainte de Washington résidait dans le fait que la nouvelle réponse pakistanaise fasse monter l’intensité du conflit de plusieurs degrés, rapprochant dangereusement les deux puissances asiatiques du risque d’un conflit nucléaire. Ceci explique l’implication maximale du chef de la diplomatie américaine Marco Rubio, également le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis depuis le limogeage de Michael Waltz. Ce dernier a notamment appelé vendredi 9 mai le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif. Le vice-président américain J.D. Vance, de son côté, revenant sur sa position initiale de non-implication, a appelé le Premier ministre indien Narendra Modi. Le lendemain, à 14 h, heure de Paris, le président américain prenait tout le monde de court en déclarant sur Social Truth, son réseau social, que l’Inde et le Pakistan avaient accepté à sa demande de conclure un cessez-le-feu immédiat.

Le cessez-le-feu annoncé par Donald Trump et confirmé par les deux parties concernées amorce-t-il le pas vers une résolution du conflit ? Assiste-t-on à un retour au statu quo ante ?

Ni l’un, ni l’autre. New Delhi a très mal pris le fait que Washington donne publiquement le sentiment d’avoir forcé la main à son gouvernement. Différents porte-paroles et responsables ont catégoriquement démenti qu’une tierce partie (les États-Unis) ait joué le moindre rôle dans l’arrêt des combats. Selon la version donnée par Delhi, cette décision aurait été prise lors d’une conversation d’une trentaine de minutes entre les directeurs des opérations militaires de l’Inde et du Pakistan sur la ligne rouge sécurisée établie entre eux, et ceci à la demande du Pakistan. Une partie de l’opinion indienne, chauffée à blanc par des chaînes d’information à la tonalité belliqueuse, a reproché au gouvernement d’avoir cédé à la pression étrangère sur un sujet (le Cachemire, et les relations indo-pakistanaise) sur lequel la doctrine indienne est que New Delhi refuse le principe même de toute médiation extérieure. Nombreux sont en Inde qui disent aujourd’hui que leur pays aurait dû saisir l’occasion pour prendre le contrôle de l’ensemble du Cachemire !

Depuis, même si la tension militaire est retombée et que les contacts entre les deux états-majors se poursuivent pour faire baisser la pression, Narendra Modi lors d’une allocution solennelle et le ministre des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar après lui ont affirmé sur le plan politique que les seuls sujets de discussion avec le Pakistan demeurent le terrorisme ainsi que l’avenir de la partie du Cachemire que contrôle le Pakistan et que l’Inde entend lui voir revenir. Le ton n’est donc pas à la conciliation, loin de là.

Quant au traité sur le partage des eaux de l’Indus signé en 1960 sous l’égide de la Banque mondiale qui avait survécu à trois guerres (1965, 1971 et 1999), les Indiens n’entendent pas revenir sur sa suspension. Ils ont commencé sans préavis à purger certains barrages sur les affluents de l’Indus, officiellement pour les nettoyer des sédiments accumulés avant de fermer les vannes pour une remise en eau. Autant d’éléments qui exposent le Pakistan, situé en aval, tour à tour à de mini-inondations suivies de réductions drastiques du débit de ces cours d’eau, alors que la région entre dans la saison sèche et que l’agriculture pakistanaise dépend à 80 % pour son irrigation des eaux de l’Indus et de ses affluents. On est donc loin d’un retour au statu quo ante.