Le Japon et les métamorphoses de la puissance

Le récit d’un Japon engagé sur une trajectoire supposée inéluctable – ascensionnelle ou déclinante – est fréquemment mobilisé pour interroger la relation complexe qu’entretient l’archipel avec la notion de puissance. Parfois présenté comme l’archétype du soft power en raison de sa capacité à séduire ou à attirer, le pays est volontiers opposé à la figure du hard power incarnée, symboliquement, par la Chine. Toutefois, dans un contexte international marqué par l’usage croissant de la force pour modifier le statu quo et l’affaiblissement relatif du leadership américain, le Japon s’impose désormais comme un acteur central de l’Indo-Pacifique et de la recomposition géopolitique mondiale.

Tokyo déploie en effet un certain leadership international et une forte diplomatie d’influence centrée sur les valeurs libérales, la coopération entre États et le respect du droit international. Son action extérieure, résolument multilatérale, oscille entre pragmatisme, pacifisme raisonné et néoréalisme. Le Japon connaît cependant des fragilités internes – vieillissement démographique, stagnation économique, bilan politique et social constrasté – et des menaces de sécurité extérieures.

La quête de puissance du Japon soulève, de ce fait, un ensemble de questions majeures, particulièrement fécondes pour les sciences sociales : comment, en dépit de ses vulnérabilités, le Japon parvient-il à peser autant dans la redéfinition de l’équilibre stratégique en Indo-Pacifique ? Plus largement, comment expliquer sa centralité dans les dynamiques de stabilisation d’un ordre mondial fragilisé ? Peut-il demeurer le « champion » d’un système multilatéral forgé en 1945 et aujourd’hui remis en cause à la fois par la Chine, la Russie et les États-Unis ?

Issues d’analystes, politistes et diplomates, les contributions réunies dans ce dossier de La Revue internationale et stratégique examinent les outils leviers par Tokyo pour accompagner les métamorphoses de sa puissance, qu’ils soient d’ordre économique, culturel, technologique ou militaire. Elles éclairent le rapport de l’archipel à la puissance et interrogent sa capacité d’adaptation aux mutations d’un ordre international en recomposition.