Féminicides : l’aboutissement d’un continuum de violences, sur tous les continents

  • Christelle Taraud

    Christelle Taraud

    Historienne et enseignante, spécialisée dans les questions de genre et de sexualité dans les espaces coloniaux

  • Marie-Cécile Naves

    Marie-Cécile Naves

    Directrice de recherche à l’IRIS, directrice de l’Observatoire Genre et géopolitique

MARIE-CÉCILE NAVES : En quoi une histoire mondiale des féminicides éclaire-t-elle l’histoire en général ?

CHRISTELLE TARAUD : Pendant des siècles – pour ne pas dire plus – les femmes ont été néantisées, non seulement dans l’histoire de leur propre pays, mais aussi dans celle, plus globale, de l’humanité. Tous les grands historiographes étaient des hommes avant les années 1970, et nombre d’entre eux se sont, au mieux, accommodés ou, au pire, ont entretenu, le « silence de l’histoire à propos des femmes », pour reprendre la belle expression de l’historienne Michelle Perrot, à qui nous devons la première Histoire des femmes en Occident dans les années 1990. Cette silenciation et cette néantisation qui participent totalement du continuum féminicidaire que je développe dans le livre – comme le montrent les travaux de nombreuses historiennes telle Éliane Viennot dans ses remarquables ouvrages sur Les femmes, la France et le pouvoir – sont essentielles aux régimes patriarcaux en place presque partout. Nous savons bien, en effet, que le savoir c’est du pouvoir. Faire le récit commun de l’humanité, c’est donc décider qui mérite d’en être et qui ne l’est pas… et l’on a bien compris, y compris en France aujourd’hui en ouvrant un manuel d’histoire, que les femmes constituent la portion congrue…