Notes / Observatoire géopolitique du religieux
18 février 2019
Le Pape aux Émirats arabes unis : les trois enjeux d’un voyage

Le Pape a effectué une visite de 3 jours début février aux Émirats arabes unis (EAU), état fédéral composé de 7 émirats, ayant pour capitale Abu Dhabi. Ce déplacement était important, non pas seulement pour la diplomatie religieuse, mais plus globalement pour l’ensemble des sociétés soumises à des tensions liées aux identités religieuses.
Le contexte de ce voyage : ce déplacement s’est inscrit dans le cadre d’une évolution positive des relations entre des responsables musulmans et le Saint-Siège. Ce dernier entretient des relations diplomatiques avec les EAU depuis mai 2007 ; c’est un nonce philippin qui représente actuellement le Vatican. Le communiqué publié il y a dix ans soulignait la volonté des deux parties de favoriser « une coopération internationale plus approfondie ». En mai 2010, le pape Benoît XVI recevait en audience le premier ambassadeur des EAU (une femme) et mettait l’accent à la fois sur la forte présence de travailleurs immigrés dans le pays, mais aussi sur « l’existence de plusieurs églises catholiques construites sur des terrains donnés par les autorités publiques ». Si les EAU ne respectent pas les différentes déclarations et conventions internationales qui entendent régir la liberté religieuse, en revanche ils font montre d’une relative tolérance à l’égard des minorités religieuses qui peuvent pratiquer, dans des conditions précises et restreintes, leur culte.
En 2016, le pape a rencontré le prince héritier Mohamed bin Zayed Al Nahyan, entretien privé suivi d’une rencontre avec le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège. Le prince héritier et le cardinal Parolin ont supervisé la signature d’un Mémorandum prévoyant une exemption mutuelle de visas entre le Saint-Siège et les EAU pour les diplomates et porteurs de passeports diplomatiques. L’année 2019 est enfin, aux EAU, l’année de la tolérance.
Le voyage du pape est donc l’aboutissement d’un long travail diplomatique, initié sous Benoît XVI, lequel avait également lancé un processus de dialogue islamo-catholique. Si depuis dix ans, le vocabulaire diplomatique du Saint-Siège oscille dans sa désignation, au choix, d’un « dialogue inter-religieux » ou de « relations inter-religieuses » avec les représentants de l’Islam, tout en poursuivant une approche diplomatique favorisant le bilatéralisme avec les États musulmans, le pape François enrichit ces approches par deux aspects qui lui sont doublement personnels : dans le domaine du dialogue inter-religieux, le pape insiste sur un dialogue prioritairement pragmatique et non théologique, centré sur des actions communes à promouvoir en faveur de la paix (objet de son actuel déplacement) ; de plus, l’accent est également mis sur l’importance des relations interpersonnelles entre leaders religieux : ici encore, il s’agit d’une pratique diplomatique usuelle, qui estime que la qualité des relations entre États passe par la cordialité voire l’amitié entre responsables politiques.