Après l’assassinat de Charlie Kirk, Vance ouvre la voie à la répression

2 min. de lecture

  • Romuald Sciora

    Romuald Sciora

    Chercheur associé à l’IRIS, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis

Il y a quelques jours, après l’assassinat injustifiable de Charlie Kirk — car, quelles que soient ses positions néofascistes, rien ne pouvait légitimer qu’il soit abattu ainsi — je m’exprimais sur RFI, puis dans Le Figaro et d’autres médias internationaux. J’y formulais mes craintes sur la suite des événements. Cette prise de position me valut aussitôt une avalanche d’attaques et de mails injurieux venus de sympathisants d’extrême droite.

Aujourd’hui, les faits semblent me donner raison. Le lundi 15 septembre, lors de l’émission commémorative spéciale du Charlie Kirk Show, le vice-président JD Vance a appelé sans détour à « démanteler » les organisations progressistes et certains think tanks libéraux, accusés de nourrir un climat propice à la violence politique. Il a même cité nommément des institutions comme l’Open Society Foundations et la Ford Foundation, ainsi que des médias tels que The Nation, dirigé par mon ami Don Guttenplan, en visite à l’IRIS plus tôt cette année. Bien qu’aucun élément ne relie à ce jour l’auteur du meurtre à ces acteurs de la société civile, Vance a suggéré que le Department of Justice et le Department of Homeland Security pourraient être mobilisés pour enquêter et sanctionner. Une telle rhétorique, dénuée de preuves tangibles, ressemble moins à une enquête qu’à une tentative assumée de criminaliser les contre-pouvoirs et d’étouffer l’opposition.

Depuis plus de six mois, l’administration Trump-Vance s’emploie à affaiblir méthodiquement les garde-fous démocratiques et à installer un régime semi-autoritaire. Elle dispose désormais de son premier « martyr » : Charlie Kirk, que Donald Trump a honoré en ordonnant exceptionnellement la mise en berne des drapeaux — un geste inédit pour quelqu’un qui n’était ni élu, ni ancien dignitaire d’État. Ce signal fort laisse présager que la figure de Kirk deviendra le socle d’un récit victimaire, utilisé pour justifier un durcissement sans précédent.

Dans les prochains jours, on peut redouter le déploiement accru de la Garde nationale et un renforcement des mesures contre la liberté d’expression, visant en particulier les universités, les médias critiques et les réseaux sociaux. Les menaces explicites des Proud Boys et autres organisations paramilitaires, qui promettent de « venger » la mort de Charlie Kirk, posent une question cruciale : jusqu’où le gouvernement les laissera-t-il aller ? Si la Maison-Blanche devait fermer les yeux — voire « encourager » ces violences — elles offriraient le prétexte idéal pour instaurer un état d’urgence permanent.

Rappelons-le une fois encore : Charlie Kirk incarnait une figure de l’extrême droite américaine — une extrême droite ultra comme il n’en existe pas en France, si ce n’est dans certains groupuscules. Masculiniste, anti-musulman, anti-immigration, anti-avortement, pro-armes, il fut aussi l’un des organisateurs de l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021. Mais rien, absolument rien, ne justifiait son assassinat. Et pourtant, ce meurtre pourrait bien devenir l’étincelle qui embrase l’Amérique — transformant un activiste radical en mythe fondateur d’une croisade autoritaire.