ANALYSES

La Colombie entre guerre et paix

Presse
17 mars 2017
Le gouvernement colombien et la guérilla des FARC ont signé un accord de paix le 28 septembre 2016. Dans un monde bousculé par attentats et, terrorismes, l’accord mettant fin à 52 ans de guerre interne en Colombie apportait un peu d’espoir. Six mois plus tard personne ne parle plus d’un accord pourtant unanimement applaudi.

Il est vrai que le scénario présenté en société le 28 septembre 2016 n’a pas suivi le chronogramme prévu. Consultés le 2 octobre 2016 par référendum, la minorité des électeurs qui s’est exprimée a dit non aux accords. Le gouvernement a procédé à une session de rattrapage parlementaire le 1er décembre suivant. Cette paix rabibochée, avance certes. Et suit les étapes signalées dans ce qui a été convenu par les parties. Mais la progression est lente, contestée de divers côtés, en Colombie. Alors qu’elle bénéficie encore d’un soutien international, qui pourrait lui aussi épuiser ses vertus. D’autres vents soufflent aux Etats-Unis depuis l’élection du républicain Donald Trump. Et en Europe les agendas intérieurs, électoraux, comme intereuropéens et méditerranéens accaparent les esprits et les bonnes volontés.

La paix, a été encouragée par ce que l’on appelle « la communauté internationale ». Le Nobel de la paix 2016 été attribué au président colombien. Les pays médiateurs, Cuba qui a accueilli les négociateurs pendant quatre ans, le Chili, la Norvège et le Venezuela, les Nations unies et l’Organisation des Etats Américains, l’Union des nations d’Amérique du sud, et la Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe, l’Union européenne, le Saint-Siège ont de bout en bout soutenu le processus. A titre bilatéral, l’Allemagne, l’Espagne, les Etats-Unis de Barak Obama, la France de François Hollande ont publiquement adoubé ce dialogue mettant fin à un conflit cinquantenaire.

Le jour de la signature officielle et publique à Carthagène des Indes, le Président colombien et le négociateur principal des FARC ont été congratulés par la quasi-totalité des chefs d’Etat latino-américains, le Secrétaire général de l’ONU, ceux de l’OEA et de la BID, Juan Carlos d’Espagne et plusieurs ministres et envoyés spéciaux de gouvernements européens et d’autres parties du monde. Depuis un certain nombre de responsables étrangers a confirmé sur place cet engagement. Le Président français François Hollande, en visite officielle, a tenu à rencontrer les guérilleros en cours de démobilisation. Le ministre allemand des affaires étrangères, Frank Walter Steinmeyer, a pris la même initiative. Le pape François est attendu le 6 septembre 2017.

Pourtant cette paix, qui a bénéficié d’un parrainage universel est en sursis. 60% des Colombiens ont refusé de participer au référendum validant ces accords le 2 octobre 2016. Et 50,5% des suffrages exprimés ont validé le « Non ». Les sondages ultérieurs ont confirmé le vote. Et le résultat a quelque part libéré, voire légitimé, une parole jusque-là refoulée.

Les élites du monde rural, beaucoup de militaires et policiers et leurs familles, ont fait bloc derrière l’ancien président Alvaro Uribe. Pour, dès 2012, rejeter tout compromis avec les FARC, présentées comme une organisation terroriste, infréquentable par nature. L’accord ayant été malgré tout signé et mis en œuvre, les opposants ont été rejoints en 2016 par bon nombre d’indifférents. Le gouvernement colombien pour gagner la bataille du post-conflit, éviter le fiasco de la paix manquée au Salvador et au Guatemala, a mis en chantier une réforme fiscale. C’est le prix à payer pour l’intégration des démobilisés, et la réparation due aux victimes du conflit. Les classes moyennes urbaines, qui voient la guerre de très loin, à la télévision, sont entrées en rébellion fiscale.

L’entrée en campagne électorale n’a rien arrangé. Les Colombiens élisent en 2018 leur présidente et renouvellent leur parlement. La guerre et la paix, loin de faire consensus, sont l’enjeu des scrutins. Au risque de jeter le bébé, la paix avec l’eau du bain, des querelles partisanes. Les FARC seraient défaites pour les uns. Ou à défaut leurs capacités de nuisance auraient été surestimées par le Président Santos. Alors que les victimes auraient été oubliées. En clair, Il n’y avait rien à négocier, ni matière à augmenter les impôts. Les amis d’Alvaro Uribe, et de son parti, le Centre démocratique, hostiles à la paix, ont été rejoints par de nombreux responsables libéraux, et conservateurs. Le colistier sortant de Juan Manuel Santos, le vice-président, German Vargas Lleras, a choisi d’ignorer le compromis signé avec les FARC. La gauche du président, est certes favorable aux accords de paix. Mais de là à monter en première ligne .. Les uns et les autres, Pôle démocratique, parti Progressiste, ne souhaitent pas, par ricochet renforcer la centralité électorale du camp présidentiel.

Le Haut-Commissaire pour la paix en Colombie, Sergio Jaramillo, a tiré une sonnette d’alarme, restée pour l’instant lettre morte: « par intérêt pour le pouvoir, les politiques brisent tout intérêt pour la paix »[1] Humberto de la Calle, chef des négociateurs du gouvernement, a repris l’argument, mais sans plus de succès, « la paix doit rester à l’écart de la campagne électorale »[2]

 

[1] In El Pais, Madrid, 26 février 2017

[2] In El Universal, Carthagène, 3 mars 2017
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