A propos de « Sorties de guerre. Vietnam, Laos, Cambodge (1975-2012) »

  • Michel Strulovici

    Michel Strulovici

    Auteur de « Sorties de guerre. Vietnam, Laos, Cambodge (1975-2012) »

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

EMMANUEL LINCOT : Vous avez été correspondant du journal L’Humanité pour l’Asie du Sud-Est de 1975 à 1978 à une époque où cette région du monde devient un théâtre de rivalités entre Pékin et Moscou. Proche de Jérôme Kanapa, vous avez conservé une distance critique au sein de la mouvance communiste. Cette distance a-t-elle rencontré des réticences fortes parmi vos collaborateurs ?

MICHEL STRULOVICI : La rivalité entre Moscou et Pékin est précédente à ces années. 1975 n’est qu’un des moments affirmés de ces divergences datant publiquement du milieu des années 1960 et débutant de facto avec le rapport Khrouchtchev de 1956. Pour l’essentiel, c’est Moscou qui arme les Vietnamiens du Nord et les entraîne à leur maniement, notamment dans l’utilisation d’une aviation de combat et la formation des pilotes. De même, pour une grande partie de la logistique militaire. Il est vrai que 1975 marque une accentuation du phénomène. N’oublions pas qu’une alliance sino-américaine s’est constituée à l’initiative de Mao et de Nixon. Ce que la direction du PC vietnamien ne peut voir qu’avec crainte. En ce qui me concerne, mon adhésion à la « mouvance » eurocommuniste initiée en France, particulièrement par Jean Kanapa (le bras droit de Georges Marchais) est totale. Mais elle vient de loin. Adhérent très jeune au PCF (j’ai 17 ans en 1959), j’ai fait le constat, déjà, de la nécessité de rompre avec les conceptions et la pratique de ce qui s’appelle « le socialisme réel ». L’eurocommunisme qui liait les PC italien, espagnol et français, rejoint par la suite par les PC britannique, japonais… avait comme ligne de force d’allier une transformation des sociétés, en respectant les particularités nationales et, surtout, en respectant une véritable existence de Partis différents, des élections démocratiques, donc une alternance et des retours en « arrière ». Il est sûr que cette manière nouvelle d’envisager la théorie et la pratique marxiste a suscité des oppositions considérables qui ont mené d’ailleurs à leur perte, dès le début 1980, cette tentative…