Refonder l’action humanitaire : pourquoi, comment ?

  • Bernard Hours

    Bernard Hours

    Anthropologue au CESSMA

Refonder l’action humanitaire suppose d’en revisiter les fondations, de les remettre en question si nécessaire. L’action humanitaire contemporaine ne se situe pas dans le prolongement des débuts de la Croix rouge, cette dernière évoluant à une autre époque et, à un certain point, dans une autre humanité. Le développement de l’action humanitaire depuis 30 ans, en particulier après la fin de la guerre froide, est remarquable et il est l’une des causes de dérives parfois observées, des questions que se posent de plus en plus les acteurs humanitaires dont la réflexivité s’est développée en parallèle.

Parler de refondation présume qu’il y ait de multiples interrogations, nées de l’action elle-même, sur les terrains où elle se déroule. Pour les aborder, je poserai d’abord les trois piliers fondateurs de l’action humanitaire contemporaine, née à mes yeux au milieu des années 80 dans le sillage des french doctors et de l’antitotalitarisme de fin de guerre froide. Une seconde partie sera consacrée à l’examen des trois instances en place sur la scène politique et sociale, à savoir l’Etat, le marché, la société civile. C’est sur cette scène que s’inscrit l’action humanitaire, qui ne tombe pas du ciel, ni de la simple bonne volonté d’aider son prochain. Je me pencherai enfin sur les dangers qui guettent désormais les ONG et qui les amènent à s’interroger sur une nécessaire refondation, c’est-à-dire à réfléchir au sens et à la portée de leurs actions au XXIème siècle alors que se déclenchent des formes de violence inédites sur des terrains en partie pratiqués par les humanitaires, en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et aux USA et en Europe désormais. Ce monde de violence globale n’est plus celui des années 80 où l’urgence était sectorielle, principalement médicale. Aujourd’hui l’urgence sécuritaire semble capturer tous les champs, à commencer par une urgence environnementale qui s’est imposée en trois décennies sans être néanmoins maitrisée. Ce contexte a évidemment modifié le paysage des priorités et l’action humanitaire en est nécessairement affectée. Enfin les migrations à grande échelle nées de ces évènements constituent un phénomène incontournable dont les dimensions humanitaires sont un véritable défi qui rappelle que le qualificatif d’humanitaire vient d’humanité et se mesure en termes de dignité humaine…