09.10.2024
A 6 mois des Jeux olympiques de Rio, quel état des lieux ?
Interview
5 février 2016
Concernant les préparatifs, le contexte est sensiblement différent de celui de la Coupe du monde de football en 2014 où il y avait eu beaucoup de retard et une grande inquiétude de la part des organisateurs pour voir les travaux terminés à temps, qui avaient finalement été achevés in extremis. Il a pu y avoir une inquiétude pour les Jeux olympiques, les travaux sont aujourd’hui quasiment terminés. 34 sites de compétitions sont répartis dans quatre quartiers différents : Deodoro, Barra, Copacabana et Maracaña. Dans la zone de Barra, le Parc olympique est terminé à 97%. Pour les autres installations olympiques, l’avancement est estimé entre 70% et 80%.
Concernant le contexte économique et social, la désignation des Jeux de Rio est intervenue en 2009, au moment où le Brésil était considéré comme une économie émergente, pour ne pas dire émergée. C’était l’âge d’or des BRICS, qui enregistraient des taux de croissance conséquents. Il y avait une dynamique importante et l’on entendait souvent parler du mythe du miracle brésilien. Force est de constater que ce n’est plus du tout la même chose aujourd’hui. On assiste à la fin de ce mythe du miracle brésilien puisque, alors que l’économie brésilienne était à en 7ème position en 2013, elle est entrée en récession fin 2014, et le déficit commercial s’élevait à 13,9 milliards de dollars. Le taux de croissance en 2010 était évalué par le FMI aux alentours de 7.10%, contre 0,1% en 2014. Très concrètement, cette situation économique critique s’est ressentie directement sur l’organisation des Jeux. Ainsi, estimés à 12 milliards d’euros, les coûts d’organisation des Jeux sont bien inférieurs à ceux de Pékin (coût estimé à 33 milliards d’euros), et surtout ceux de Sotchi (selon une estimation officielle, les Jeux auraient coûté 45 milliards d’euros, vraisemblablement très en deçà de leur coût réel). Ces derniers mois, les organisateurs ont consenti à des baisses de 20% dans le budget opérationnel, qui se traduit par une réduction du nombre de volontaires, ou la suppression de structures ou de tribunes, comme cela a été annoncé au début du mois pour les épreuves d’aviron.
Quant au contexte social et politique, deux aspects sont notables. Premièrement, on n’assiste pas aux mêmes manifestions populaires comme cela avait pu être le cas lors de la coupe des confédérations en 2013, en dépit du climat d’austérité présent. S’il y a eu des manifestations, notamment à l’été dernier, elles étaient moindres qu’il y a 2 ans et ont davantage un objectif politique avec la volonté de démission de la présidente Dilma Rousseff. Une procédure d’impeachment a d’ailleurs été lancée contre la Présidente le 3 décembre 2015. La dénonciation de la corruption est l’un des griefs reprochés à la Présidente et à des membres de son gouvernement, plusieurs de ses ministres ayant été limogés pour corruption. D’autre part, l’affaire Petrobras empoisonne la présidente brésilienne depuis mars 2014. A titre d’exemple, le dernier index de Transparency International classait le Brésil 76ème cette année, alors qu’il avait été 42ème en 2013).
Concernant les défis à relever pour Rio, ils sont de trois ordres.
D’une part, il s’agit pour Rio d’arriver à transformer l’essai de ces Jeux olympiques, et laisser un héritage social, éducatif et économique. Social, car les Jeux doivent servir la population brésilienne et de Rio, notamment à travers les transports, qui étaient très imparfaits. Rio s’est doté d’un service de transport important. Educatif, car de nouvelles infrastructures sportives ont été mises en place et pourront ensuite bénéficier aux brésiliens et aux Cariocas. Economique enfin car quatre quartiers de Rio ont été rénovés et aménagés notamment le port de Copacabana, ce qui permet de mettre en avant la ville à des fins touristiques et économiques.
Le deuxième défi à relever est sécuritaire, compte tenu de la géopolitique actuelle et de l’état de la menace. Les Jeux olympiques constituent une cible potentielle, comme tout grand évènement sportif. A ce titre, la sécurité avait notamment été une priorité des JO de Londres en 2012, avec la mobilisation d’environ 40 000 policiers et militaires. A Rio, 85 000 militaires seront mobilisés. Cette sécurité interviendra à tous les niveaux afin d’en faire des Jeux sûrs.
Le dernier défi à relever est sanitaire. Premièrement, il s’agit de la question de la pollution de l’air et de la baie de Rio, facteur de risque pour les athlètes. D’autre part, et de façon plus inquiétante, la propagation du virus Zika fait actuellement l’objet d’une préoccupation et pose la question de la protection et de la gestion de cette crise à la fois par les autorités brésiliennes mais aussi par la communauté internationale.
Les différents scandales récents de corruption dans le sport ont-ils selon vous un impact sur les Jeux olympiques ?
On pourrait croire que cela ne touche pas directement les Jeux olympiques puisque cela ne concerne pas directement le CIO. Les cas sont très différents (dopage, corruption, trucage de matchs, trucages) et les instances touchées sont des fédérations internationales. En revanche, cela va, de façon indirecte, avoir un impact sur les JO puisqu’avec l’agenda très rapproché des révélations de ces scandales, ainsi que le nombre de fédérations touchées, cela met clairement à mal la crédibilité du sport et des sportifs. Cette atmosphère de méfiance ternit considérablement l’image du sport et des valeurs qu’il entend véhiculer. De façon plus pragmatique, la présence des athlètes russes à Rio est plus qu’incertaine. Après la révélation de la commission d’enquête indépendante de l’agence mondiale anti-dopage (AMA), la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) avait décidé de suspendre les athlètes russes pour les compétitions internationales. Une nouvelle décision doit intervenir en mars 2016, concernant la possible levée ou non de ces sanctions et qui donnera le ton pour ces Jeux olympiques. Ce qui est sûr, c’est que compte tenu de la pression de l’opinion, de la nécessité de ne pas venir un peu plus décrédibiliser le sport, il est clair que la lutte contre le dopage, contre les matches truqués et tout trucage au cours de ces JO sera extrêmement surveillée. On ne peut que s’en féliciter car il en va de la crédibilité du sport international.
Quel héritage ces Jeux olympiques sont-ils susceptibles de laisser sur le plan sportif, économique et de la gouvernance de l’institution olympique ?
D’un point de vue économique, il y avait eu des interrogations sur les perspectives de reprise économique du Brésil dans le contexte de ces Jeux olympiques. Compte tenu de la fragilité de l’économie brésilienne, peu d’élément permettent d’être optimiste et d’imaginer une reprise spectaculaire de l’économie brésilienne.
Au niveau sportif, un effort a donc été fait de la part du Brésil pour ne pas multiplier les infrastructures. Le budget opérationnel des JO a d’ailleurs été amputé de 20%. Il y a de la part du Brésil une volonté de trancher avec ce qu’avaient été les Jeux de Sotchi en 2014, où il y avait eu une croissance exponentielle, voire incontrôlée, des frais et des coûts d’organisation. Rio souhaitait en effet revenir à des dépenses davantage modestes, d’une part parce que le contexte de rigueur l’impose, et d’autre part parce que l’agenda publié par le CIO invite les villes hôtes et les pays candidats à faire preuve de modestie dans leur projet, et à ne pas multiplier les « éléphants blancs ». Autre élément qui mérite d’être pris en compte, la montée en puissance des sociétés civiles est un élément important, et dont on avait déjà percevoir la portée lors de la Coupe des confédérations de 2013, pour dénoncer les dépenses qui privent le pays d’infrastructures essentielles.