La politique régionale de la Turquie contribue à son isolement

Le mardi 24 novembre, l’aviation turque abattait en plein vol un bombardier russe aux alentours de la frontière syro‐turque. Depuis lors, comme par une sorte d’enchaînement mécanique, nous assistons à un virulent bras‐de‐fer diplomatique entre Moscou et Ankara, assorti d’un jeu de sanctions économiques russes à l’encontre de la Turquie. On peut légitimement se demander pourquoi les autorités turques ont pris une décision aussi grave, qui, non seulement, semble aller à l’encontre des intérêts nationaux du pays mais risque aussi d’être un facteur de déstabilisation supplémentaire dans une région déjà en proie au chaos. Deux hypothèses principales peuvent être formulées.

La première nous ramène à la politique menée par la Turquie sur le dossier syrien à partir de l’été 2011. Nous savons que, depuis ce moment, Recep Tayyip Erdoğan développe une ligne politique dont il ne s’est pas départi : faire chuter le régime de Bachar al‐Assad. A maintes reprises, le président de la République turque et son actuel Premier ministre nous ont doctement expliqué que le régime syrien allait tomber dans les meilleurs délais. Or, même si considérablement affaibli, ce dernier est toujours en place. C’est pourquoi des Etats, dont la France par exemple, qui partageaient précédemment la même analyse que la Turquie, sont en train d’infléchir leurs positions, considérant désormais que la priorité est de détruire Daech et que le sort du président syrien devra seulement être examiné au cours, ou à l’issue, d’un processus de négociations. C’est l’objet de la tournée diplomatique, notamment aux Etats‐Unis et en Russie, qui a été initiée par François Hollande à la fin du mois de novembre. Or, pour leur part, les autorités politiques turques n’ont pas modifié leur ligne politique et se retrouvent ainsi, sur ce dossier syrien, assez isolées. En abattant le bombardier russe, Ankara a visiblement tenté de réduire la marge de manœuvre politique de la Russie, dont chacun comprend qu’elle dispose, actuellement, des meilleurs atouts pour faire valoir ses initiatives et propositions visant à sortir, de façon négociée, de la crise syrienne. Ainsi, par cet acte de guerre contre l’aviation russe, Ankara endosse la lourde responsabilité de retarder la mise en place d’une coalition la plus large possible pour combattre et vaincre Daech…