ANALYSES

Des viols commis par des soldats en Centrafrique ? Cela aura peu de répercussions sur place

Presse
30 avril 2015
L’armée française est en pleine tourmente. Un rapport de l’ONU évoque des « viols » subis par de « jeunes garçons » par des troupes françaises stationnées en Centrafrique dans le cadre de la mission de maintien de la paix, la Minusca. Une enquête a été ouverte. Quelles conséquences ? Éclairage d’Alain Coldefy, directeur de recherche à l’Iris, ancien inspecteur général des armées.

On ne peut être qu’étonné et choqué par les révélations de ce rapport de l’ONU. Si les faits sont avérés à l’issue de l’enquête, les sanctions devront être irréprochables tant ces actes sont inadmissibles.

Reste que déterminer quelles seront les conséquences de cette affaire en Centrafrique, pour la poursuite de la mission de maintien de la paix assurée par l’armée française, est complexe.

Une société fragmentée, divisée

Complexe parce que, par nature, la France se trouve depuis le début de cette mission dans une position déjà difficile, où elle ne peut que déplaire à toutes les forces en présence.

La Centrafrique est en effet un pays fragmenté, divisé entre une chrétiens et musulmans. Chaque partie trouve donc des raisons d’adresser des griefs à l’armée française, l’estimant tour à tour trop proche du camp d’en face, par exemple.

D’autant plus qu’en venant ici pour stabiliser le pays, l’armée française, par son action, a perturbé certains rapports de force. Elle a pu freiner certains trafic et actes de corruption, et sa présence a sans nul doute dérangé des positions, fragilisant ceux qui profitaient jusque-là de la situation chaotique du pays pour s’enrichir.

Enfin, intervenir dans un pays étranger expose toujours une armée à des réactions plus que méfiantes des populations. Nous Français, rappelons-nous des « US Go Home » qui étaient scandés quelques années seulement après le débarquement allié en Normandie, en 1944. Ici en Centrafrique, il faut ajouter en plus une autre dimension : un passé colonial sensible entre les deux pays.

Une image déjà contrastée

Néanmoins, au regard de situation désespérée qui prévalait jusqu’alors en Centrafrique, on peut penser que la présence française pouvait aussi être vue d’un bon œil, dans une certaine mesure, par une majorité de Centrafricains, premières victimes du chaos qui prévaut sur ce territoire.

L’armée française n’a jamais été impliquée dans de tels faits depuis des décennies ce qui rend circonspect par rapport aux accusations proférées. De plus, elle a pour tradition d’accompagner son action par de vastes opérations de soutien en matière de santé (chirurgie et soins divers, vaccinations, etc..) très appréciées des populations.

Pour l’ensemble de ces raisons, déterminer quelle est l’image de l’armée française sur place, et dans quelle mesure cette affaire va affecter sa mission sur place, est bien difficile. En raison du contexte déjà compliqué de cette mission, on peut penser que cette affaire n’aura que peu de répercussions sur place, tant la situation est déjà complexe et tendue.
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