Qui sont les frères musulmans ?

  • Fatiha Kaouès

    Fatiha Kaouès

    GSRL/CNRS

Le soulèvement égyptien qui a abouti à la chute du raïs au pouvoir depuis près de trois décennies suscite un enthousiasme mâtiné d’anxiété. Au coeur de ces interrogations inquiètes se trouvent les Frères musulmans, la réalité de leur emprise sociale et la nature des changements qu’ils pourraient impulser en cas de victoire aux élections à venir. Leurs opposants les plus résolus les présentent comme les promoteurs probables d’un État islamique de type iranien, voire d’un régime version talibans, quand d’autres estiment qu’il faut croire aux volontés progressistes des Frères, à tout le moins leur accorder le bénéfice du doute.
Pour faire le point sur cette question, il convient de revenir sur trois aspects essentiels que l’intellectuel réformateur Mohamed Arkoun intégrait dans sa définition de la clôture dogmatique : le rapport à l’État, à la condition féminine et à la religion (en l’espèce, la gestion du fait non musulman, le plus souvent chrétien).
La confrérie des Frères musulmans a été fondée en mars 1928 par Hassan El Banna dans la ville égyptienne d’Ismaïlia. L’association entendait, dans un contexte de lutte contre l’occupation britannique, réformer la société égyptienne sur une base islamique, en mettant l’accent sur la prédication, l’éducation et l’action sociale. Dotée à ses débuts d’une structure pyramidale, la confrérie est devenue un mouvement de masse utilisant d’abord les réseau gravitant autour des mosquées, investissant ensuite les organisations professionnelles. De sorte que, si les Frères musulmans comptaient quelques centaines de sympathisants lors de leur fondation, on évalue leurs membres à environ quatre millions aujourd’hui. La confrérie n’a pas seulement gagné des sympathisants en Égypte, elle a aussi essaimé largement à travers le monde musulman, transportant son célèbre slogan « el Qoran dusturna » (le Coran est notre constitution) dans des dizaines de pays. Contrairement à une idée reçue, la confrérie n’est pas une organisation tentaculaire dirigée depuis l’Égypte, mais un mouvement aux branches multiples qui n’ont parfois en commun qu’une référence fondamentale à l’islam, pensée comme matrice d’une reviviscence sociale et morale trempée de religion mais empruntant des directions très variées, témoignant ainsi d’une extrême plasticité.