Notes / Sécurité humaine
16 juin 2014
Le pouvoir de l’amour : leçons apprises du Kenya sur les risques d’échec des initiatives de renforcement des compétences

Dans son ouvrage Comment écrire sur l’Afrique, l’auteur kenyan Binyavanga Wainana affirme que même si « l’amour pour l’Afrique » a permis de lever des fonds et mettre en place des actions à travers le continent, cela a au final contraint au silence les populations que les donateurs étaient censés sauver. « Dans les années qui suivirent [la chanson « We are the world »], ma ville, Nairobi, a été submergée par une vague d’amour : en faveur des filles, en faveur des campagnes de sensibilisation, de l’éradication de la pauvreté, en faveur de l’Angelina Jolification (…) Les personnes les plus aimées d’Afrique sont personnifiées par l’image de l’Africain fin, élancé, altier, ancien ou actuel nomade vivant près des animaux sauvages(…) Ce dont vous pouvez être certains dans tous ces projets d’amour, c’est qu’il est plus facile pour n’importe quelle Scarlett O’Hara trentenaire de décider de la place et du rôle des Masaïs dans le monde que pour un Masaï, titulaire d’un doctorat et parlant le maa. Tel est le pouvoir de l’amour».
Wainana milite pour que les communautés soient maîtres de leur histoire et de leur avenir. Pour ce faire, les acteurs humanitaires doivent repenser les rapports de pouvoir dans le secteur humanitaire. Les communautés ne doivent plus être perçues comme de simples « récipiendaires » de l’aide (des bénéficiaires) mais comme des citoyens dotés de droits et de devoirs, de compétences et de connaissances, qui doivent participer activement aux décisions les concernant. Bien que le renforcement des compétences et « l’autonomisation locale » soient considérés comme des éléments clés pour encourager la participation civile, Wainana affirme que les populations affectées continuent à être mises sur la touche ou réduites au silence dans les processus décisionnels.
Dans un souci de mieux comprendre les facteurs qui encouragent ou inhibent la participation et les hypothèses qui sous-tendent les démarches de renforcement des compétences, cet article présente un projet de renforcement des capacités mené conjointement par l’analyste humanitaire du bureau régional d’Afrique de l’Est de Save the Children et du directeur du projet de partenariat du Comité International de la Croix Rouge (CICR) avec l’Université de Nairobi sur l’éducation dans des contextes d’urgence humanitaire…