ANALYSES

Pour ou contre le sport… il faut calmer le jeu

Presse
30 juin 2010
Pascal Boniface - La Paix en marche
Pour certains observateurs, critiques du football, celui-ci déchaîne de façon incontrôlée les passions nationalistes et est même le moment de déferlements xénophobes. Le soutien à l’équipe nationale peut se muer en haine à l’égard des autres peuples, l’étranger devenant un adversaire à combattre à tout prix. D’autres pensent au contraire que le football et le sport sont un formidable moyen de renforcer l’amitié entre les peuples et de permettre une connaissance réciproque et constitue une ouverture sur l’autre. On a même évoqué le fait de pouvoir donner le prix Nobel de la paix à la Fédération Internationale de Football. Le football en réalité ne mérite pas "cet excès d’honneurs, ni cette indignité".

Le football est en fait un moyen qui peut être mis au service d’un projet politique. Il ne peut à lui seul déclencher une guerre, ni susciter une tension entre deux pays dont les relations politiques sont bonnes. Contrairement à une analyse trop sommaire et trop rapide, ce n’est pas le match de football opposant les deux équipes nationales pour une qualification à la Coupe du Monde qui fut la cause de la guerre qui a opposé Honduras et Salvador en 1969. Il a été l’étincelle qui a déclenché un feu qui couvait sur fond de tensions frontalières, foncières et migratoires. 11 ne peut pas non plus apaiser un conflit en cas d’absence de volonté politique de ses acteurs. Le football n’est pas responsable de l’affrontement, entre les deux Corée ou du conflit israélo-palestinien. Mais à lui seul il ne pourra pas y mettre fin. Il ne suffira pas d’organiser un match entre la Palestine et Israël pour que la paix éclate entre les deux pays. Il peut par contre être utilisé dans la bonne direction et servir de levier dès que la volonté politique existe.

Le football a acquis une visibilité internationale et est devenu le fait social le plus mondialisé

Dès lors, l’équipe nationale de football est dépositaire d’une partie de l’image d’un pays, elle en est l’ambassadeur informel.

Le football peut œuvrer à sa mesure à l’apaisement de la violence ou des oppositions. Si un conflit éclate, le football devient impossible. Le retour des compétitions de football dans des pays qui ont connu la guerre est le signe du retour à la normale.

Récemment, il a été utilisé à l’occasion d’un rapprochement historique entre l’Arménie et la Turquie, qui n’avaient pas de relations diplomatiques. Le fait que les deux pays soient dans le même groupe de qualification pour la Coupe du Monde a permis au président arménien Serge Sarkissian d’inviter le président turc Abdullah Gui à assister au match. Celui-ci fut donc le premier président à se rendre en Arménie depuis l’indépendance. De même, la co-organisation de la Coupe du Monde entre la Corée du Sud et le lapon a permis à ces deux pays de mieux se connaître et de réduire quelque peu leur hostilité historique. Le match de football était un excellent prétexte à un rapprochement contesté dans les deux pays par les extrémistes. Le sport a une valeur symbolique. Comme l’a écrit Norbert Elias : " Les spectateurs d’un match de football peuvent savourer l’excitation mythique d’une bataille qui se déroule sur le stade, et savent qu’aucun mal ne sera fait aux joueurs ou à eux-mêmes ".

 

Une ouverture sur l’extérieur

La Coupe du Monde 2006, comme l’Euro 2008 ont montré des scènes de liesse collective avant les matchs et de fraternisation après. Les supporters vainqueurs consolant les vaincus. Le football limite en fait les affrontements au niveau symbolique, où une défaite n’est jamais définitive. Il crée une sublimation de l’affrontement en le cantonnant à un terrain délimité et selon une pratique codifiée. Surtout, le football crée une ouverture sur l’extérieur. On a besoin de l’autre pour jouer, l’adversaire est avant tout un partenaire. Le premier contact d’un enfant avec l’étranger sera certainement un joueur de football. Il pourra l’admirer, même s’il n’a pas sa nationalité, ni sa religion, ni sa couleur de peau. Le football – qui comme tout phénomène social a des dérives qu’il ne faut pas nier – est au final un élément qui contribue plus à créer des liens et à faire baisser les tensions, qu’il n’en fait naître.
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