ANALYSES

Rencontre Joe Biden – Xi Jinping : vers une stabilisation des relations entre les États-Unis et la Chine ?

Interview
16 novembre 2023
Le point de vue de Barthélémy Courmont


Le 15 novembre 2023, le président américain Joe Biden a rencontré son homologue chinois Xi Jinping en marge du Forum de coopération économique Asie-Pacifique. Quelles étaient les priorités à l’agenda du Sommet ? Alors que les deux dirigeants ont appelé à une plus grande stabilité dans leurs relations politiques et économiques, dans quel contexte national et international intervient cet effort de normalisation des relations entre la Chine et les États-Unis ? Quels en sont les tenants et aboutissants de cette rencontre ? Quelles sont les réelles perspectives de stabilisation des relations entre les États-Unis et la Chine ? Le point avec Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Asie-Pacifique.

 

A l’occasion de cette rencontre, les deux dirigeants ont appelé à une plus grande stabilité dans leurs relations politiques et économiques. Dans quel contexte national et international intervient cet effort de normalisation des relations entre la Chine et les États-Unis ? Quels sont les tenants et aboutissants de cette rencontre ?

Cette rencontre entre les deux dirigeants, la première depuis celle de Bali il y a un an, était particulièrement attendue en raison d’un contexte international marqué par la multiplication des crises et de fortes tensions entre les deux pays. Elle fait suite à la multiplication de rencontres entre officiels Américains et Chinois au cours des derniers mois, en marge de la reprise des échanges diplomatiques depuis le printemps dernier (la Chine est restée fermée pendant une longue période en raison de la pandémie de Covid-19). Elle fait aussi suite à la récente nomination, qui reste suspendue à sa confirmation au Congrès, de Kurt Campbell au poste de numéro deux du secrétariat d’État américain. Campbell est un très fin connaisseur de la Chine, ce qui traduit la volonté de l’administration Biden de faire de la relation avec Pékin sa priorité en politique étrangère. Cela s’explique, non seulement par l’importance de la relation entre les deux pays, mais aussi par la prise de conscience que les enjeux mondiaux ne peuvent désormais être abordés sans concertation avec Pékin. On a notamment vu les États-Unis prier la Chine de jouer un rôle dans le conflit Israël-Hamas en appelant les acteurs régionaux à la retenue, ce qui était impensable il y a encore quelques années. On a également noté la volonté de Washington de s’assurer que Pékin n’apportera pas de soutien à la Russie en Ukraine, tout en s’inquiétant de la convergence des perceptions entre Moscou et Pékin. L’administration Biden a commencé de la pire des manières dans sa relation avec la Chine, avec la rencontre d’Anchorage qui fut un dialogue de sourds, les deux parties s’invectivant mutuellement sans être capables de tendre l’oreille. Les intentions semblent désormais plus positives, et invitent à une vraie reprise du dialogue, indispensable tandis que les craintes de voir se multiplier les crises et conflits n’ont jamais été aussi importantes depuis la fin de la Guerre froide.

Les relations entre Washington et Pékin s’étaient dégradées notamment en raison des questions de contrôle des exportations, de droits humains et de sécurité nationale. Alors que l’élection présidentielle à Taiwan prévue en janvier 2024 pourrait déclencher de nouvelles tensions et que l’élection présidentielle américaine se profile, quelles sont les réelles perspectives de stabilisation des relations entre les États-Unis et la Chine ?

La compétition entre les États-Unis et la Chine est multidimensionnelle. Elle est parfois saine, dès lors qu’il s’agit d’enjeux commerciaux (la balance commerciale, très déficitaire côté américain, reste au coeur des discussions). Elle peut aussi être délétère, dès lors que les deux pays s’accusent mutuellement d’être des puissances révisionnistes qui souhaitent soit modifier le système international, soit empêcher une transition de puissance. Elle est enfin souvent polluée par des récits et des perceptions qui ont pour effet de diaboliser l’autre et de créer un climat de méfiance. Il est à ce titre éclairant de voir que les questions les plus posées par les journalistes à Joe Biden et Xi Jinping avant leur rencontré furent « faites-vous confiance à votre interlocuteur ? ».

Parmi les points les plus problématiques entre les deux pays figure la situation à Taiwan, sur laquelle il est évident que Pékin et Washington ne parviendront pas à s’entendre dans le contexte actuel. Il y aura donc d’autres périodes de tensions et des discours qui d’un côté comme de l’autre pointeront du doigt la responsabilité adverse. Rien de nouveau en fait. L’important ici est de maintenir le dialogue pour éviter que la situation ne dégénère. À ce titre, la principale avancée de la rencontre entre les deux dirigeants, qui fut assez modeste sur le fond et plus importante dans la symbolique, est la décision de rétablir les échanges militaires entre les deux parties. Ils avaient été rompus à la suite de la visite de Nancy Pelosi à Taiwan en août 2022 et le très net regain de tensions qui l’avait accompagnée, avec les pressions militaires chinoises en particulier. Soyons clairs, la relation sino-américaine est placée sous le signe de la compétition, compte tenu de l’importance de ces deux pays sur la scène internationale. Mais la compétition peut rester saine et même productive dès lors qu’elle est accompagnée d’un dialogue.

Cette rencontre était organisée en marge du Forum de coopération économique Asie-Pacifique qui s’est tenu à San Francisco. Quelles étaient les priorités à l’agenda ?  

Le thème de ce forum est « créer un avenir résilient et durable pour tous » et s’inscrit dans un contexte marqué par la multiplication des initiatives d’intégration régionale dans la région, tant au niveau économique que politico-stratégique. Les États membres s’inquiètent des perspectives de croissance et de leur impact sur le développement. Le ralentissement de la croissance chinoise est ainsi au cœur de toutes les préoccupations et l’impact des guerres renforce aussi l’inquiétude face à la résilience des économies, en plus des considérations environnementales qui sont inscrites à l’agenda de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) depuis plusieurs années. Rappelons que ce forum rassemble des puissances économiques et des pays en développement, des démocraties et des régimes autoritaires. Mais comme c’est souvent le cas, ce sont surtout les échanges bilatéraux qui sont importants dans les sommets de l’APEC, et la rencontre Biden-Xi en est le point d’orgue.

 
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