ANALYSES

Élections en Argentine : le débat télévisé de l’entre-deux tours, un tournant ?

Tribune
15 novembre 2023
Par Camille Sansberro, diplômée d’IRIS Sup’ en Géopolitique et prospective

Lors du premier tour du 22 octobre, les deux hommes étaient arrivés en tête du scrutin. Sergio Massa (actuel ministre de l’Économie et candidat de la coalition péroniste Union por la Patria), qui propose la mise en place d’un gouvernement « d’unité nationale » en cas de victoire, a devancé, avec 36,7 % des voix, son rival populiste de droite Javier Milei. Ce dernier, à la tête du mouvement La Libertad Avanza, et désormais soutenu par l’ancien président de droite Mauricio Macri (2015-2019), a obtenu 30 % des voix.

Le résultat final de cette confrontation reste très incertain et s’annonce serré. C’est dans ce contexte que le débat télévisé du 12 novembre (obligatoire dans la loi électorale) était très attendu.

Javier Milei : « En Argentine, tout ce qui est fait par l’État se fait mal. »

Le débat était divisé en 6 blocs thématiques : l’économie, les relations de l’Argentine avec le monde, l’éducation et la santé, la production et le travail, la sécurité et enfin les droits humains et la démocratie. Dès le premier thème, pourtant le sujet de prédilection de l’économiste Javier Milei, celui-ci s’est trouvé en difficulté. Sergio Massa a pris le temps de rappeler ce qu’impliquerait une dollarisation de l’économie. À l’inverse, Javier Milei défendait son programme en traitant son rival de « menteur ». Le candidat de La Libertad Avanza a affirmé qu’il voulait fermer la Banque centrale et a mis en avant « la pression fiscale sur les entreprises » qui « vole le produit du travail ». Enfin, il a conclu : « En Argentine, tout ce qui est fait par l’État se fait mal ». Le ministre de l’Économie a, quant à lui, certifié : « Avec Milei ? l’Argentine va se transformer en paradis fiscal ».

Lors des échanges sur les questions internationales, les divergences entre les deux candidats étaient flagrantes. Sergio Massa propose que l’Argentine maintienne de bonnes relations avec l’ensemble des États de la planète. Javier Milei, lui, refuse d’entretenir des relations avec un groupe d’États qu’il juge « contre la démocratie libérale ». Ainsi, bien que le Brésil et la Chine soient les partenaires commerciaux les plus importants de l’Argentine, Javier Milei a affirmé qu’il refuserait toutes relations d’État à État avec ces pays. Sergio Massa a soutenu que cette position engendrerait la suppression de 2 millions d’emplois, avant d’ajouter : « Vous ne pouvez pas mener la politique étrangère sur un coup de tête ».

Sergio Massa : « Le problème, c’est quand on ne sait pas, on n’a rien à dire ; »

Mais c’est durant la partie du débat sur les questions sécuritaires que les failles du programme de Javier Milei ont été mises en lumière. Alors que Javier Milei a la parole, celui-ci la redonne à son adversaire sans développer davantage ses propositions sur ce sujet. Un sentiment de malaise est palpable et Sergio Massa ajoute : « Le problème, c’est quand on ne sait pas, on n’a rien à dire ».

De même, les propos de Javier Milei sur Margaret Thatcher n’ont pas dû ravir certains Argentins. Effectivement, il a présenté cette dernière comme une grande figure de la pensée économique libérale, alors que c’est sous son gouvernement que s’est déroulée la Guerre des Malouines. Une question encore très sensible dans la société argentine. Sergio Massa a quant à lui affirmé que Margaret Thatcher est « une ennemie de la nation argentine ». Dans la foulée, un communiqué des anciens combattants de la Guerre des Malouines a appelé à ne pas voter pour Javier Milei.

Sergio Massa a incontestablement dirigé le débat, mettant à plusieurs reprises Javier Milei en difficulté. L’objectif du candidat de Unión por la Patria était bel et bien de démontrer l’incapacité de son adversaire à gouverner la République Argentine. Avant ce débat, plusieurs sondages prédisaient des résultats très serrés, mais avec une fine avance pour le candidat d’extrême-droite. Cette contre-performance de Javier Milei va-t-elle faire changer d’avis certains Argentins pour le vote du 19 novembre ? Ceci reste incertain, mais ce débat aura confirmé que les deux candidats ont une vision radicalement opposée pour l’avenir de l’Argentine. Le débat s’est terminé par un appel à l’unité nationale de la part de Sergio Massa, tandis que Javier Milei a lui conclu : « L’Argentine peut être meilleure, mais seulement si c’est une Argentine libérale ».

Toute la question est désormais de savoir dans quelle mesure ce débat télévisé influera, ou pas, sur les intentions de vote, notamment des indécis.
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