ANALYSES

Pour Zelensky, oui, mais jusqu’où ?

Correspondances new-yorkaises
6 janvier 2023


Peu avant les fêtes, Volodymyr Zelensky a été reçu triomphalement à Washington. Rien de plus normal vu l’agression illégale au regard du droit international dont est victime l’Ukraine et le réel courage de son président.

Mais derrière les hourras de façade, une partie importante des élus américains, n’incluant pas seulement des républicains, commence à se poser des questions sur la stratégie du président Biden en Ukraine et à être un peu agacée par la posture jusqu’au-boutiste de l’homme au tee-shirt kaki qui n’a pas su faire l’effort de se vêtir autrement pour intervenir devant le Congrès.

Il est vrai que le chef d’État ukrainien semble de plus en plus s’enfermer dans le rôle qu’il s’est créé au début de la guerre, celui d’un nouveau Churchill droit dans ses bottes et visionnaire – alors que quelques jours avant l’offensive russe, il demandait encore assez abruptement à Joe Biden de cesser d’alerter le monde d’une possible attaque russe en laquelle il ne croyait pas.

La situation de Zelensky est très différente de celle de Winston Churchill en 1940. Malgré de très grandes difficultés, le Premier ministre anglais savait alors qu’il pouvait compter sur les immenses ressources de l’Empire britannique et il avait compris que la guerre pouvait connaître une autre issue que celle d’une victoire de l’Allemagne nazie.

Dans le cas de la guerre en Ukraine, il est évident – à moins d’un événement totalement inattendu sur le front où bien d’un improbable coup d’État à Moscou – que Kiev ne pourra pas remporter une victoire pleine et définitive. Jamais l’Ukraine, du moins à court terme, ne reprendra la Crimée, ni probablement l’ensemble des territoires de l’Est.

C’est pourquoi le président Zelensky devrait cesser de tenir des propos tels que « Nous ne traiterons jamais avec Poutine » ou, comme il y a encore quelques jours, « nous ne pardonnerons jamais ».

La realpolitik existe, malheureusement. Et malgré un combat juste et courageux, Kiev devrait le comprendre et se dire prête après ses récents succès sur le terrain à négocier sur des bases réalistes. Sinon, l’Ukraine pourrait continuer à perdre des soutiens autant à Washington qu’auprès de l’opinion américaine et apprendre à ses dépens lors de la prochaine offensive russe que l’aide occidentale à ses limites.

 

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Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Ses deux derniers essais, «Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » et «  Femme vaillante, Michaëlle Jean en Francophonie », sont respectivement parus chez Max Milo en 2020 et aux Éditions du CIDIHCA en 2021.
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