Notes / Asia Focus
23 juin 2022
Enjeux du déni d’accès en Indo-Pacifique
EMMANUEL LINCOT : Les stratégies A2/AD (en anglais, Anti-Access/Area Denial) sont des stratégies dont l’application vise à empêcher un adversaire à la fois de pénétrer et de manœuvrer dans une zone. Ces stratégies, théorisées en 2003 par le « Center for Strategic and Budgetary Assessment » et son directeur, Andrew Krepinevitch, un ancien officier de l’armée américaine. Cette théorisation se fait dans le contexte de développement de capacité asymétrique contre la supériorité américaine. Si l’on fait un état des lieux, quelles sont les régions du monde qui correspondent à la mise en œuvre de ces stratégies ?
BENJAMIN BLANDIN : Malgré quelques variations d’une définition à une autre, le concept de déni d’accès (ou A2/AD), dans son acceptation générale, est considéré comme défensif et fait référence à la protection d’une zone, terrestre, maritime et/ou aérienne, basée sur des systèmes létaux, tels que des missiles ou des systèmes balistiques. C’est d’ailleurs l’idée que défendent Andrew F. Krepinevich et Barry D. Watts dans leur étude de 2003 publiée par le « Center for Strategic and Budgetary Assessment » (CSBA). Cependant, ces derniers présentent ces moyens comme des capacités asymétriques qui seraient utilisées par les adversaires stratégiques des États-Unis afin de contrebalancer leur infériorité numérique ou technologique. Une telle affirmation peut surprendre, car ces systèmes d’armes ont connu une véritable démocratisation au cours des dernières décennies et sont désormais employés par les principales armées mondiales, ainsi que celles de certains pays en voie de développement. Les États-Unis eux même, entre les systèmes Patriot block III et THAAD, les missiles Tomahawk et les destroyers Arley Burke équipés du système de combat Aegis, font un usage massif de telles capacités…