Enjeux et adaptation de la diplomatie chinoise au Moyen-Orient

  • Théo Nencini

    Théo Nencini

    Chercheur doctorant à l’Université Grenobles Alpes et à l’Institut catholique de Paris

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

EMMANUEL LINCOT : En mars, Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères a signé un accord commercial de 400 milliards de dollars à Téhéran. Quel est d’ores et déjà l’impact de cet accord au niveau régional ?

THÉO NENCINI : La signature de cet accord confirme que la Chine a franchi un nouveau seuil dans ses relations avec les pays du Moyen-Orient, avec des objectifs stratégiques clairement définis et qu’elle entend conforter sur le long terme. La République populaire a su échanger son image de puissance communiste – qui a longtemps suscité des soupçons parmi les gouvernements de la région – contre celle de représentante d’un modèle de développement conduit par un État fort et assurant la prospérité dans la stabilité. Les autocrates moyen-orientaux – traumatisés par les soulèvements des « printemps arabes » et inquiets face à la demande de justice qui traverse la région – sont enchantés par le discours du Président chinois Xi Jinping, notamment lorsqu’il met en avant le respect de la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures comme la pierre angulaire de sa politique étrangère. Pékin sait en effet se présenter comme l’allié fiable des régimes autoritaires, pour lesquels il est appréciable de traiter avec un gouvernement stable, qui n’est pas appelé à changer tous les quatre ou cinq ans, et qui ne leur fait pas la leçon sur les violations des droits de l’Homme pour faire plaisir à son opinion publique. La Chine, qui se veut un bâtisseur de l’ordre international, est ainsi devenue en l’espace de vingt ans une puissance majeure au Moyen-Orient. La signature du partenariat stratégique avec l’Iran ne fait qu’officialiser cette nouvelle réalité…