ANALYSES

Disparition de deux Français au Bénin : « Les groupes rebelles passent d’une frontière à une autre sans aucun problème »

Presse
6 mai 2019
Interview de Pierre Jacquemot - 20 minutes
Quelle est la situation sécuritaire au Bénin ?

C’est un pays qui n’était pas dangereux jusqu’à présent. Les deux compatriotes sont partis dans le parc de Pendjari, un parc animalier assez connu, avec un guide. Mais depuis quelques mois, la situation s’est aggravée sur le plan sécuritaire, l’ambassade de France à Cotonou avait même sérieusement déconseillé de s’y rendre. Jusqu’à présent, en Afrique de l’Ouest, les zones peu sûres se trouvaient près des trois frontières du Burkina Faso, du Niger et du Mali. La situation se dégrade depuis quelques mois dans toute la région, mais il s’agissait plutôt du Mali, du Burkina et du Niger.

Si ça commence à toucher les pays du sud, comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo ou encore le Ghana, ça devient particulièrement inquiétant. Ces pays, et notamment le Bénin, sont relativement démunis pour assurer la sécurité de l’ensemble de leur territoire, et notamment de leurs frontières. Il y a un problème de capacité, d’équipement. Pour sécuriser une frontière, il faut des moyens lourds et le Bénin ne dispose pas forcément de ces moyens. Les frontières sont assez poreuses et les groupes rebelles passent d’une frontière à une autre sans aucun problème.

Y a-t-il une expansion des groupes djihadistes et des groupes armés dans la région ?

Jusqu’à présent, il n’y avait pas de groupes djihadistes au Bénin. Il y avait des groupes djihadistes au Burkina Faso, au Mali et au Niger et évidemment Boko Haram au Nigeria, qui est le grand pays voisin du Bénin. Peut-être qu’un de ces groupes est pourchassé et qu’il s’est replié dans le pays, ou peut-être qu’ils ont trouvé une opportunité pour enlever des expatriés.

S’il s’agit d’un enlèvement, ce n’est d’ailleurs pas nécessairement un groupe djihadiste qui est responsable, ça peut être simplement des groupes armés qui cherchent à obtenir une rançon. Dans cette région, il y a tout un trafic d’êtres humains qui est organisé, pour permettre à ces groupes de décrocher des rançons et d’acheter des armes, en plus des trafics de voitures, de drogue ou encore de cigarettes.

La piste de l’enlèvement est-elle plausible ?

Pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse. La situation est assez grave, les deux ressortissants ont disparu, leur guide a été retrouvé mort, la voiture a été localisée. Il y a une certaine discrétion qui a dû être demandée par les familles et par le Quai d’Orsay, qui veut mettre toutes les chances de son côté pour les retrouver, et encore plus si c’est un enlèvement et qu’ils sont toujours en vie. Qui dit enlèvement, dit demande de rançon. Et dans ce cas-là, l’affaire va être très difficile à gérer. Si on accepte la rançon, on crée un précédent et on expose tous les expatriés, mais si on ne paye pas la rançon, on met en péril la vie des compatriotes. Si jamais il y a des transactions ou des négociations qui débutent pour essayer de les libérer, il faut que ça se fasse dans le plus grand secret.

Quelles peuvent être les conséquences de cette disparition pour le Bénin ?

C’est une histoire dramatique qui va pénaliser le Bénin, les deux touristes ont disparu dans un parc touristique. Si le tourisme n’est pas la ressource principale du Bénin, ce drame va dégrader l’image du pays, ça va lui faire beaucoup de tort. Les étrangers hésiteront désormais à s’y rendre. C’est un aspect qui n’est pas négligeable.
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