Notes / Observatoire géopolitique du religieux
24 avril 2019
L’autocéphalie de l’église en Ukraine à l’heure des élections présidentielles

Le second tour des élections présidentielles en Ukraine s’est déroulé le 21 avril mars 2019. À la surprise générale, le président sortant Petro Porochenko a été défait avec 24,45 %, devancé par un comédien, venu de l’industrie du cinéma et des médias, Volodymyr Zelensky (73,22 %). Il a dépassé de loin d’autres candidats beaucoup plus connus, comme Ioulia Tymochenko.
Le président Porochenko n’a pas bénéficié de l’état de grâce qui aurait dû suivre l’octroi de l’autocéphalie par le Patriarcat œcuménique de Constantinople à l’Église orthodoxe d’Ukraine et qui tendait à mettre fin à plusieurs décennies de division au sein de l’orthodoxie ukrainienne. Ces résultats en demi-teinte affectent non seulement le paysage confessionnel ukrainien, mais les conséquences sur l’unité de l’orthodoxie sont profondes, mettant en exergue les fragilités de la communion orthodoxe dans la période postconciliaire. À la suite de la tenue du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe en juin 2016, l’émergence d’une question ukrainienne dans le monde orthodoxe a cristallisé les rapports de forces tendant à opposer le Patriarcat de Moscou au Patriarcat œcuménique de Constantinople. L’un administre la population orthodoxe la plus importante à l’échelle de la planète (la population orthodoxe dans le monde est estimée à 300 millions de fidèles). L’autre est le premier parmi les égaux (primus inter pares) et préside sur l’orthodoxie mondiale. Mais chacun porte son lot de paradoxes. En Russie, l’Église orthodoxe, désormais libérée du joug communiste, apparaît de plus en plus comme un simple appareil d’État. En Turquie, le Patriarcat œcuménique est traité par le pouvoir politique comme une simple minorité religieuse. Dans les deux cas, la question et l’exercice de l’indépendance sont au centre des tensions théogéopolitiques qui dépassent les intérêts particuliers des États, qu’ils soient ukrainiens, russes, turcs ou encore américains.