Y a-t-il au sein de la société israélienne une opposition à la politique du Premier ministre Benjamin Netanyahou ?
« Une opposition à la politique de Benjamin Netanyahou existe dans le pays, mais elle se focalise uniquement sur le sort des otages et non pas celui des Palestiniens. Les rassemblements n’abordent pas les massacres à Gaza, la spoliation des terres en Cisjordanie ni même la nécessité de la création d’un État palestinien. En Israël, le camp de la paix a disparu, la société a connu un glissement à droite, voire à l’extrême droite après le 7 octobre 2023. Les pacifistes qui se trouvaient majoritairement à gauche de l’échiquier politique n’ont plus voix au chapitre. »
Il ne reste plus de pacifistes en Israël ?
« Quelques individualités qui ont compris que la politique menée par Benjamin Netanyahou est contradictoire avec les intérêts d’Israël et qu’elle fragilise les juifs du monde entier sur le long terme tentent de ranimer la solution à deux États, mais ils ne parviennent pas à mobiliser, à incarner. C’est très inquiétant. On ne peut que regretter l’alignement du parti travailliste d’Yitzhak Rabin, historiquement acteur de paix, avec la ligne du Likoud. Dans la ville pourtant progressiste de Tel-Aviv, les Israéliens ferment les yeux sur les bombardements intensifs qui ont lieu à quelques kilomètres d’eux depuis le 7 octobre. On peut le dire, aujourd’hui, la société israélienne est indifférente au sort des Palestiniens. Par ailleurs, et c’est très significatif, entre 30 et 40 000 personnes ont quitté Israël depuis le déclenchement de la guerre, selon moi, motivés par désaccord avec la politique de Benjamin Netanyahou et l’impasse dans laquelle il est en train de mener son pays. »
Les médias israéliens font-ils écho de ce qui se passe à Gaza ?
« Il y a des médias qui font leur travail oui, comme Haaretz qui documente la barbarie et l’acharnement de Benjamin Netanyahou sur la population gazaouie. Reste que les journalistes ne sont pas autorisés à rentrer librement à Gaza… »
Il y a, au sein de l’armée, des voix qui s’élèvent ?
« Des généraux et d’anciens haut gradés de l’armée israélienne ont alerté sur le fait que la réponse à la crise ne peut être militaire mais doit être politique. Une manière indirecte d’exprimer leur opposition à la politique menée par le Premier ministre. Si la voix de ces militaires est respectée, elle n’a pas le pouvoir de mobiliser et soulever la société israélienne, ce n’est d’ailleurs pas leur volonté. Récemment, des réservistes ont refusé d’être remobilisés, ne souhaitant pas retourner à Gaza. Dernièrement, Ronen Bar, chef du Shin Bet – les renseignements intérieurs israélien – a publiquement confronté la stratégie de Benjamin Netanyahou. Il a depuis été limogé. »
Quelle est la popularité du gouvernement de Benjamin Netanyahou ?
« Il est largement discrédité depuis l’attaque du 7 octobre. Israël est censée être la terre où les juifs sont en sécurité, le traumatisme est profond. Accusé d’avoir sous-estimé la menace, Benjamin Netanyahou est considéré comme responsable de cette faillite. Une autre source de son impopularité vient de son acharnement stérile à vouloir éradiquer le Hamas au risque de faire perdre la vie des otages encore détenus dans la bande de Gaza. Une large partie des Israéliens est consciente que la motivation première de Benjamin Netanyahou, c’est de sauver sa peau, politiquement. Chacun sait qu’en cas de cessez-le-feu, il perdra tôt ou tard le pouvoir et devra affronter des procès et peut-être la prison. »