Nouveau plan quinquennal chinois : entre autonomie stratégique et recentrage économique

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  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

Dans quel contexte le symposium du Parti communiste chinois (PCC) annonçant le prochain plan quinquennal s’est-il déroulé et quels défis la Chine doit-elle relever ?

Rappelons que ce symposium a eu lieu entre les 20 et 23 octobre derniers à Pékin. Signe des temps : 61 des cadres dirigeants manquaient à l’appel. Ont-ils été purgés comme 9 officiers de haut rang de l’Armée populaire de libération (APL) ? Ce symposium avait en tout cas lieu dans un climat politique plutôt lourd et de tensions avec les États-Unis, marqué par un tour de vis important mené contre la haute hiérarchie du PCC à l’initiative de Xi Jinping. Parmi les choses à retenir de cette réunion : l’autosuffisance en matière de haute technologie. La Chine désormais doit revenir à une pratique toute maoïste consistant à ne compter que sur ses propres forces. Cela signifie être beaucoup moins dépendante de l’extérieur, et surtout d’être beaucoup moins dépendante des États-Unis par rapport à l’intelligence artificielle ou encore la maîtrise des microprocesseurs. Enfin, le dirigeant chinois a exhorté l’armée à se tenir prête à une opération militaire contre Taïwan en 2027 ; date correspondant au centenaire de la création de l’APL. Cela ne signifie pas pour autant l’annonce d’un passage à l’acte mais une volonté claire, là encore, d’être en capacité d’intimider les États-Unis.

Quelles sont les perspectives économiques, technologiques et industrielles chinoises annoncées par ce plan ?

On peut s’attendre à encore plus d’autonomie sur le plan industriel qui est ainsi visé. C’est-à-dire que même si la Chine dépend de l’extérieur pour son approvisionnement, par exemple, en nickel ou en cobalt, elle va devoir se réinventer pour trouver un certain nombre de palliatifs à ses carences. Elle va surtout inciter les secteurs publics et privés à davantage de synergie pour rattraper son retard dans le domaine des très hautes technologies. C’est sur ce point naturellement que Xi Jinping joue sa crédibilité. Le rattrapage de la Chine dans la fabrication des microprocesseurs de nouvelle génération aura un impact dans tous les domaines. Que ce soit celui de la communication, celui appliqué aux transmissions dans le domaine de la lutte anti-sous-marine comme celui des drones et des innovations dans le domaine de l’aérospatial. Cela signifie en retour et sur le plan stratégique, un repli partiel mais bien réel de la Chine sur elle-même. Elle se prépare au pire. C’est-à-dire à un affrontement avec les Occidentaux.

Un peu plus tôt dans le mois, Pékin avait annoncé de nouvelles restrictions à l’exportation de terres rares. Dans quelles mesures cette décision s’inscrit-elle dans le cadre de la rivalité sino-américaine ? Quelles pourraient en être les conséquences sur d’autres États et notamment sur l’Union européenne ?

Il faut savoir que la licence d’exploitation des terres rares est extrêmement contraignante puisqu’elle est en moyenne renouvelée ou pas tous les six mois. Ce qui empêche naturellement les industriels de se projeter sur le plus long terme. Les terres rares sont utilisées, comme on le sait, par la Chine qui en a le monopole de l’exploitation au niveau mondial comme moyen de chantage, et pour faire pression sur les Occidentaux et notamment sur Donald Trump, même si un compromis, c’est-à-dire un sursis, semble avoir été obtenu entre Américains et Chinois, avant la rencontre programmée entre le dirigeant chinois et son homologue américain, le 30 octobre prochain. Gagner du temps pour les uns comme pour les autres est devenu crucial. Il s’agit pour les Occidentaux en particulier de remonter les filières d’exploitation des terres rares pour ne pas être dépendant des Chinois. Rappelons à ce sujet que la France, il y a 30 ans, avait le monopole mondial de l’exploitation des terres rares… Et ce n’est qu’à partir des années 2000, que Paris a délocalisé sa production en Chine pour des raisons à la fois de coût et de considérations écologiques. En résumé, les Européens ne vont pas être épargnés par cette montée des tensions les opposant à la Chine. Ils devront tout simplement user à la fois de patience et de stratégie pour s’adapter aux défis du moment.