La Chine face à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir : entre défis économiques et accélération stratégique

3 min. de lecture

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

Quel état de lieux peut-on dresser de la situation économique en Chine ? Quels sont les défis à relever pour l’économie chinoise, notamment à la suite de l’annonce de la hausse des droits de douane états-uniens sur les produits chinois ?

Li Qiang, Premier ministre de la République populaire de Chine, a annoncé comme prévu 5 % de croissance, ce qui est à prendre avec beaucoup de précautions, car l’économie est en réalité confrontée à un problème de spéculation immobilière et une montée sensible du chômage. Cette annonce vise sans doute à relancer les investissements et créer un climat de confiance pour le développement d’une industrie à forte plus-value comme les microprocesseurs ; pari difficile car la conjoncture n’est pas favorable. Si les taxes imposées par Donald Trump impactent encore peu l’économie, elles sont peut-être l’amorce de sanctions plus lourdes. Par ailleurs, les annonces du Premier ministre vont de pair avec une augmentation sensible du budget militaire à plus de 7 %. En somme, la Chine fixe son cap entre une réduction de sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur en matière de haute technologie et une volonté de tenir tête militairement aux États-Unis.

Alors que la question taiwanaise reste en suspens, doit-on s’attendre une intensification des tensions entre Taipei et Pékin ?

Xi Jinping fait clairement de Taïwan une priorité. Les provocations récurrentes de la chasse chinoise, des garde-côtes, associées aux cyberattaques quotidiennes augurent du pire. Il y a fort à parier que la rencontre houleuse entre Volodymyr Zelensky, James David Vance et Donald Trump a par ailleurs conforté Xi Jinping dans son diagnostic : les États-Unis ne sont pas fiables. La propagande chinoise l’avait déjà dit à qui voulait l’entendre en août 2021 lorsque les Américains avaient piteusement quitté Kaboul, arguant du fait que Washington allait lâcher tout autant Taïwan. Sommes-nous arrivés à ce moment de vérité ? Les Taïwanais sont à la fois résignés et inquiets. Les Japonais et les Sud-Coréens envisagent de plus en plus sérieusement de se doter de l’arme atomique et de renforcer leurs partenariats avec les Européens. Ce qui signifie au moins deux choses : l’Occident dans sa relation transatlantique héritée de 1945 a vécu et les États-Unis ont renoncé à devenir une puissance impériale intervenant en tout temps et en tous lieux.

Alors que Donald Trump se retire progressivement de certains théâtres de crises militaires et humanitaires, quel rôle pourrait être amenée à jouer la Chine dans ce changement de paradigme ?

Elle va être opportuniste. Signe qui ne trompe pas : à l’issue de la conférence de Munich et des déclarations haineuses de James David Vance à l’encontre des Européens, Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, a rencontré ses homologues européens au cas par cas, rappelant l’ancienneté de la relation entre Bruxelles et Pékin et son attachement au multilatéralisme. Au sommet de l’IA à Paris, les Chinois ont fait assaut d’amabilité. Ne soyons pas dupes non plus. Les Chinois sont avant tout des concurrents comme le sont d’ailleurs les Américains. Soyons pragmatiques et maintenons une relation d’équidistance entre Washington et Pékin, sachant que Donald Trump est sans doute notre meilleur adversaire car il nous pousse à devenir intelligents et partant, réellement autonomes. Quant aux Chinois, ne croyons pas un seul instant à un « Nixon in reverse » sur lequel tablent quelques stratèges américains car la relation entre la Russie et la Chine durera aussi longtemps que vivront Vladimir Poutine et Xi Jinping.