Entretiens / Observatoire géopolitique de l’espace post-soviétique
8 septembre 2025
Guerre en Ukraine : de nouvelles garanties de sécurité occidentales ?

Le 4 septembre dernier, au terme de la réunion de la « coalition des volontaires » à l’Élysée co-présidée par Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer, 26 pays se sont engagés à déployer des troupes en Ukraine pour garantir la sécurité du pays au lendemain d’un éventuel cessez-le-feu. Que pouvons-nous retenir de cette réunion et que signifie cet engagement ? Quel état des lieux peut-on dresser des négociations diplomatiques autour de la guerre en Ukraine ? Le point avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie et spécialiste des questions russes.
Quelles sont les modalités de l’engagement pris par ces 26 pays et en quoi consiste la « force de réassurance » ? Comment est-elle perçue à la fois par Kiev et Moscou ?
Les garanties de sécurité sont en quelque sorte le « ticket d’entrée » des Européens dans le processus de négociation actuellement mené par les Russes et les Américains. La « coalition des volontaires » s’est réunie à Paris le 4 septembre avec 35 délégations, dont de nombreux chefs d’États ou de gouvernement (certains comme l’Italienne Meloni en visioconférence). Elle a été co-présidée par le Premier ministre britannique Starmer et le président Macron, en présence du président ukrainien Zelensky et avec une intervention du président Trump par visioconférence. 26 États se sont déclarés prêts à participer aux garanties de sécurité accordées à l’Ukraine « sur terre, en mer et dans les airs » en cas de cessez-le-feu ou d’accord de paix. Les modalités de ces garanties de sécurité sont actuellement discutées entre « volontaires » et avec les États-Unis. Mais le président Poutine a clairement indiqué le 6 septembre en marge du Sommet économique oriental à Vladivostok (auquel la plupart des pays occidentaux ont participé) que les Européens qui déploieraient des troupes seraient des cibles privilégiées. En fait l’équation est simple : les Russes n’accepteront pas de forces de pays membres de l’OTAN comme garanties de sécurité dans le cadre d’un accord de paix et ils n’acceptent toujours pas de cessez-le-feu surtout s’il implique des garanties de sécurité assurées par des États qu’ils considèrent comme hostiles. Kiev insiste en revanche pour que les garanties de sécurité occidentales soient au moins équivalentes à celles de l’article 5 de l’OTAN (solidarité automatique en cas d’agression). En réalité, la question est suspendue aux résultats des discussions entre la Russie et les États-Unis.
Ces garanties de sécurité avancées par les Européens dépendent néanmoins d’un soutien états-unien. Après de nombreuses tergiversations, sous quelle forme Donald Trump envisage-t-il d’apporter son soutien à l’Ukraine ?
Avec 26 états, on est loin des quatre ou cinq volontaires qui s’annonçaient prêts à participer lors de la réunion initiale à Paris, le 27 février dernier. Les nouveaux engagements s’expliquent par la disponibilité des Américains, affirmée par Trump à Washington devant les Européens le 18 août, à participer à ces garanties de sécurité. Les modalités de ces participations n’ont pas été divulguées, mais les discussions sont en cours avec les Américains. Il est probable que les nouveaux États volontaires ne définiront leur participation qu’au vu des engagements américains. Trump exclut tout engagement de troupes au sol mais envisage la mise à disposition de renseignement, un éventuel soutien aérien ou la livraison de matériel notamment de surveillance (payé par les Européens ou par des contreparties ukrainiennes sur les technologies des drones par exemple). La priorité de Trump est pour l’instant de parvenir à un accord avec Moscou et les « forces de réassurance » ne sont pas actuellement sa principale préoccupation, sauf dans la mesure où la question, négociée bilatéralement avec Moscou, implique la prise en compte de la position russe dans un éventuel accord.
Une rencontre bilatérale pourrait prochainement avoir lieu entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, incluant dans ce processus les États-Unis et de certains États européens. À l’aulne d’une éventuelle nouvelle phase de négociations, quel est l’état du rapport de force, notamment militaire, entre la Russie et l’Ukraine ? Que peut-on attendre de cette éventuelle rencontre ?
Les Russes disent qu’un sommet entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky ne pourrait avoir lieu que s’il est bien préparé, c’est-à-dire en réalité pour couronner un accord déjà négocié avec les Américains et les Ukrainiens. Pour satisfaire Trump qui souhaite un sommet bilatéral, ils ont proposé à Zelensky de venir à Moscou, ce qui s’apparente à une provocation et a suscité bien naturellement un refus du président ukrainien et une invitation pour Poutine à venir à Kiev. La rencontre n’est pas encore vraiment à l’ordre du jour malgré les souhaits de Zelensky, de Trump qui veut la faire suivre par une réunion trilatérale avec lui-même et des Européens qui veulent continuer avec une quadrilatérale les incluant. En attendant, les troupes russes continuent à grignoter du territoire, les Ukrainiens se défendent vaillamment et les négociations se poursuivent discrètement entre Russes et Américains. Les thèmes sont les mêmes : étendue des concessions territoriales ukrainiennes, neutralité de l’Ukraine, garanties de sécurité pour Kiev, levée des sanctions avec des aspects économiques importants (retour d’EXXON dans l’exploitation du gaz de Sakhaline…). Les précédentes propositions américaines ont été refusées par Zelensky, avec l’appui des Européens, et par les Russes qui espèrent enregistrer encore des gains territoriaux. Nous sommes encore loin de la mise en œuvre des garanties de sécurité agréées par tous pour l’Ukraine.