Comment expliquer ces protocoles si particuliers lors des libérations d’otages par le Hamas dans la bande de Gaza ? Quel est l’objectif derrière ces mises en scène ?

Le Hamas veut prouver, avec ses moyens, qu’il n’est pas éradiqué, qu’il a encore le soutien populaire et comme il le déclare, que le combat continue. C’est source de confusion, quand on voit la situation à Gaza, où presque tout est détruit et où en réalité, plus aucune vie sociale n’est possible. Pour autant, l’objectif de Netanyahou affiché dès le 8 octobre, qui était d’éradiquer le Hamas, n’est pas atteint. Le Hamas est peut-être très affaibli, mais il n’est pas mort.

Ce qui est important de souligner, c’est que plus l’acharnement israélien contre les intérêts et les droits des Palestiniens sera fort, plus le Hamas parviendra à recruter. Quand Anthony Blinken a expliqué récemment qu’en réalité, le Hamas a recruté autant de nouveaux militants et combattants que de nombre de morts qu’il a subies, c’est assez révélateur de la situation. Je ne sais pas d’où il tirait ses chiffres ni s’ils sont vérifiables. Mais même si la totalité des combattants tués n’a pas été remplacée, c’est un indicateur important que même le Secrétaire d’Etat américain soit obligé de reconnaître que le Hamas n’est pas éradiqué et qu’il est toujours prêt à combattre.Ces scènes ont un impact fort. Vous avez les combattants du Hamas, qui sont tous des grands gaillards de 1m90, au milieu des otages souriants. C’est bien entendu de la mise en scène. Ce n’est pas très sain, mais ce qui est sûr c’est que ça marque les esprits. Il ne faut pas regarder ces scènes-là avec nos lunettes occidentales mais avec celles des Palestiniens et des peuples de la région. Même si c’est en partie du bluff, il n’empêche que la puissance de ces images marque l’opinion publique et fait réagir. La preuve, on en parle. En termes de communication, c’est une opération réussie.

À qui s’adresse le message envoyé par ces mises en scène ? Est-ce plutôt à Israël, aux autres pays de la région ou bien au monde entier ?

C’est tout ça à la fois. Le message s’adresse principalement aux Palestiniens. On voit bien que cette trêve ne va pas faire avancer la question palestinienne. Tout comme cette situation n’a pas commencé le 7 octobre, elle ne sera pas plus réglée après la libération des otages. D’autant plus que le gouvernement israélien s’oppose à toute solution politique. Le message envoyé c’est « nous sommes encore là et nous continuons de combattre ».

Parmi les Palestiniens, il y a plein de personnes qui soutiennent encore le Hamas parce qu’il leur a donné un sentiment de fierté. C’est difficile à comprendre pour nous. Que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, il y a des Palestiniens qui n’ont peut-être jamais voté pour le Hamas mais qui disent « nous n’avons pas baissé la tête face à Israël » et c’est de ça qu’ils sont fiers.

À un deuxième niveau, c’est un message envoyé aux peuples de la région. Certes les positions des gouvernements de la région sont plutôt enclines à un compromis avec les Israéliens. Mais les peuples partout au Moyen-Orient ressentent une profonde empathie pour la cause palestinienne. Et donc, voir que le Hamas n’a pas capitulé concourt à entretenir la flamme de la résistance palestinienne.

En dernier plan, il y a un message plus diffus à l’égard du reste du monde, néanmoins il n’a pas le même impact. Les gouvernements occidentaux vont, soit ne pas réagir à ces démonstrations ou alors même les condamner. On a d’ailleurs vu les critiques se multiplier, fustigeant notamment « l’arrogance » du Hamas.

Que sait-on de la situation réelle dans la bande de Gaza ? Sait-on si le Hamas détient toujours autant de pouvoir et exerce encore un certain contrôle sur le territoire ou ressort-il totalement affaibli des 15 derniers mois de guerre ?

Le Hamas maintient une forme de contrôle social dans la bande de Gaza, et ce même si toutes les structures de la société gazaouie ont été ébranlées. Il y a visiblement pleins de bombes israéliennes qui n’ont pas explosé que le groupe récupère et transforme en nouvelle roquette. Évidemment, au vu de la situation actuelle, des bandes de gangsters sont apparues. Elles essayent de profiter de la situation en pillant l’aide humanitaire notamment. Apparemment, le Hamas aime moyennement cela et il y a des règlements de comptes assez sanglants sur le territoire. Cela prouve que le Hamas est toujours présent.