A-t-on une connaissance précise de l’état des forces armées iraniennes ?


On suppose que l’état opérationnel du matériel militaire iranien est très entamé, même si l’Iran se garde de communiquer officiellement sur ce point. Comme dans toute guerre, il y a de la propagande. L’Iran est capable, et le prouve depuis cinq jours, d’envoyer des missiles de longue portée qui sont assez efficaces, c’est incontestable. Son grand point faible, c’est son incapacité à défendre son espace aérien, parce que les installations de défense au sol anti-attaques aériennes sont soit détruites, soit en mauvais état. Sa flotte d’avions est très datée et il dispose globalement d’une armée de piètre qualité, au niveau aérien.

La stratégie de l’Iran de miser sur les missiles et drones face à un adversaire qui a une supériorité aérienne et des systèmes de défense antimissiles peut-elle tenir longtemps ?


Si on connaissait mieux l’état de leur armement, on pourrait mieux se prononcer sur la durée du conflit. La guerre entre Israël et l’Iran est une guerre fondamentalement aérienne, et de ce point de vue il y a une asymétrie flagrante. Cela ne veut pas dire que les Iraniens ne sont pas capables de se défendre, mais ils le font « avec une main dans le dos », si je puis dire.

Les opérations de bombardements israéliens font des dégâts et à l’inverse, les missiles iraniens, touchent parfois leur cible, mais se heurtent pour la plupart au Dôme de fer [système de défense antimissiles d’Israël]. Cette fois-ci, les Iraniens envoient de nombreux missiles et saturent le ciel. Et même si le Dôme est d’une efficacité redoutable, il ne peut pas tout arrêter.

L’Iran peut-il se tourner vers des soutiens régionaux ?


L’axe de la résistance, qui rassemble tous leurs amis dans la région, a été affaibli dernièrement. Le Hezbollah a essuyé des pertes militaires fortes et perdu beaucoup de matériel dans les bombardements à l’automne dernier. Il se concentre sur l’objectif de reconstituer sa force opérationnelle et il ne semble que peu probable qu’il réagisse significativement envers Israël. En Irak, un pays très affaibli qui se reconstruit, les milices chiites n’ont pas l’air de se mettre en mouvement contre des intérêts israéliens ou américains [des bases américaines sont sur le sol irakien]. Et, après la fuite de Bachar al-Assad, le 7 décembre 2024, Israël a procédé à des bombardements sur les sites militaires syriens, dont les capacités d’actions semblent pour le moment neutralisées.

Les seuls alliés opérationnels seraient les houthistes du Yémen mais ce pays est situé trop loin de la ligne de front. Même s’ils se mobilisent, ils ont une capacité de nuisance mais ne vont pas porter une atteinte vitale aux intérêts israéliens. Les Iraniens ne peuvent compter que sur leur propre force car ils se retrouvent assez isolés militairement, à ce stade.


La menace nucléaire plane sur le conflit alors que certains experts estiment qu’il faudrait seulement quelques mois à l’Iran pour fabriquer l’arme atomique. Quels sont les enjeux politiques ?


Fabriquer une bombe atomique, c’est une sorte de puzzle, et si l’Iran dispose de la pièce centrale, de l’uranium qui peut être enrichi à 90 % dans des délais courts, il n’en a pas encore les capacités balistiques. La question est politique : les dirigeants vont-ils faire le choix de construire la bombe ? Ils s’exposeraient alors à des sanctions de l’ONU car ils ont signé le traité de non-prolifération [TNP].

Rappelons qu’Israël, l’Inde et le Pakistan ne l’ont pas signé. Cela donne quand même une prime à ceux qui ne l’ont pas signé, ce qui est assez paradoxal. C’est un danger car si cela dure, les Iraniens pourraient décider de sortir du TNP et alors, il n’y aurait plus aucun contrôle sur leurs opérations.

Un autre danger est celui représenté par Benyamin Netanyahou, qui a le plus profond mépris pour le droit international et qui, en lançant des frappes le 13 juin, a fait échouer du même coup les processus diplomatiques à l’œuvre pour l’Iran [qui négociait avec les Etats-Unis] et pour la Palestine. Ce n’est pas l’issue la plus probable mais Netanyahou veut entraîner les Etats-Unis dans la guerre.