Le Très grand jeu. Pékin face à l’Asie centrale

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

  • François Étienne

    François Étienne

    Analyste

FRANÇOIS ÉTIENNE : Vous citez en introduction Ted Rall : « il faut être fou pour aller en Asie centrale ». Avez-vous Pékin en tête ?

EMMANUEL LINCOT : Ted Rall est un dessinateur de presse et éditorialiste américain d’une rare perspicacité qui a écrit sur l’Asie centrale juste après l’effondrement de l’URSS et qui a parcouru l’Asie centrale quand, précisément, j’ai commencé à y mettre moi-même les pieds. La région était gangrénée par la drogue, les mafias, l’alcool et la prostitution. C’était vraiment une région de non-droit. D’autres voyageurs à l’époque comme Sylvain Tesson ont témoigné. On pouvait passer impunément d’une frontière à l’autre en glissant quelques dollars dans le passeport et le douanier généralement fermait les yeux. Le voyage y était toutefois éprouvant. Peu ou pas d’hôtels, une nourriture infecte et avariée, des routes défoncées…Il fallait être fou pour aller en Asie centrale. Les choses ont beaucoup changé en trente ans même s’il reste des zones à risque (Baloutchistan, Afghanistan, Tadjikistan, Turkménistan…). L’arbitraire y est resté la norme. Tous ces pays restent des dictatures et partagent en cela des affinités idéologiques fortes avec la Russie, mais aussi avec la Chine. Par ailleurs, le durcissement du régime chinois à l’encontre des étrangers qui, à tout moment peuvent être accusés d’espionnage, peut parfois nous faire penser qu’il y a aujourd’hui aussi un risque à se rendre en Chine, en effet…