Le fait religieux en Chine: Des spiritualités traditionnelles à la montée du christianisme

  • Par Mark Hitti, ancien étudiant de l'IRIS (QSE), animateur du blog [lecturecritique.blogspot.com->http://lecturecritique.blogspot.com/]

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La Chine est, depuis les années 1990, touchée par une vague religieuse caractérisée par une forte croissance du nombre de fidèles. Mais ce phénomène correspond-il à une nouvelle recherche de spiritualité, et cela malgré une tradition confucianiste mettant en avant l’opulence matérielle ? En tout état de cause, à la vue de ce phénomène récent et rapide, on a peut être parlé trop vite d’un "monnaie-théisme" chinois où l’étalon suprême serait l’argent. Or, bien que le communisme soit considéré comme une religion d’Etat, et Mao Zedong son guide spirituel, les religions traditionnelles chinoises gagnent du terrain au côté des religions venues de l’étranger, notamment les églises évangéliques américaines.

 

Croissance… religieuse dans l’Empire du Milieu

Selon un sondage1 commandé par le ministère chinois de l’éducation en 2004 aux fins de « connaître la spiritualité du peuple », le nombre de croyants en 2004 s’élevait à 300 millions alors que, 10 ans plus tôt, ce chiffre était seulement de 100 millions. Cette évolution est évidemment due à l’ouverture de la Chine au commerce international et au contact d’hommes d’affaires venus avec des valises pleines d’argent et de valeurs nouvelles. Historiquement, l’introduction des nouvelles croyances s’est toujours faite grâce aux marchands, et la Chine en est actuellement le parfait exemple.

Ce sont les religions chinoises traditionnelles qui bénéficient le plus du retour au religieux. Le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme représenteraient, selon ce même sondage, plus des deux tiers des croyants (67%). C’est le syncrétisme de ces trois spiritualités qui forme la base de la religion traditionnelle chinoise. De plus, les nombreux temples dans certaines régions (Pékin, Tibet, Jiangsu, Henan) ainsi qu’une tradition orale dans de nombreuses familles chinoises ont permis leur retour rapide dans les us et les coutumes de tous les jours.

Les religions importées: les églises évangéliques 

A côté de cette tendance historique, le christianisme se développe rapidement, notamment grâce aux églises évangéliques très actives (baptisme, adventisme, mennonitisme, pentecôtisme et méthodisme). Officiellement, 5 millions de catholiques sont recensés et entre 10 et 15 millions pour les églises protestantes. Selon le groupe Persecution2, il y aurait en 2005 10 millions de catholiques et 30 millions de protestants en Chine. L’évangélisation de l’Empire du Milieu s’est effectuée en vagues successives depuis le 17ème siècle, avec la contre-réforme, et s’est accélérée à la fin des guerres de l’opium. Mais jamais le nombre de chrétiens n’aura représenté autant de croyants en Chine.

Les « house churches », rassemblant des croyants des églises évangéliques, se multiplient et sont le principal phénomène qui échappe aux statistiques officielles. Ces petites églises ne sont pas enregistrées et répertoriées, comme la loi chinoise l’impose3. Elles ont la particularité de se réunir dans des maisons et non pas dans des édifices dédiés au culte, qui sont étroitement surveillés par la police. La mission évangélisatrice est dorénavant soutenue par de nombreux pasteurs chinois qui ont été formés par les premières générations de missionnaires occidentaux et ceux qui reviennent répandre la bonne parole en Chine après avoir vécu aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie4. Cela permet un contact plus facile avec la population et l’adaptation aux différentes ethnies minoritaires et agricoles (Ethnie Lisu). Parallèlement, ces églises se développent aussi fortement dans les métropoles de Hong Kong et de Shanghai parmi l’intelligentsia chinoise5.

Politique chinoise et peur de l’instrumentalisation étrangère

Pour le gouvernement chinois, tous les fidèles sont affiliés à des "églises officielles". Cela concerne notamment le mouvement patriotique protestant triplement autonome de Chine (1951) pour les protestants et l’association catholique de Chine (1957) pour les catholiques. Les taoïstes, les musulmans et les bouddhistes répondent aux mêmes conditions. De plus, les membres des clergés sont tous obligés de passer des tests avec les autorités chinoises. Celles-ci cherchent à écarter tous les candidats dont les valeurs entreraient en contradiction avec celles défendues par le parti communiste chinois.

Selon l’article 36 de la Constitution de la République populaire de Chine de 1982, la liberté religieuse est clairement garantie pour toutes les religions. Dans les faits, les religions ont toujours été victimes depuis 1949 des aléas politiques et idéologiques du pays. En 1966, la révolution culturelle entraine la destruction de nombreux lieux de culte, l’arrestation des clergés et de certains membres, leur déportation vers des camps de rééducation par le travail (laogai) et parfois leur assassinat. En 1999, la campagne « frapper fort » menée par le gouvernement chinois se fait contre le Falun Gong, considéré comme une « secte hérétique » qui rassemble plusieurs millions de membres6.

Malgré la condamnation de la Chine dans les rapports successifs de Human Rights Watch et par le réseau international de soutien aux chrétiens Persecution (organisations travaillant avec le Départment d’Etat américain), la Chine s’est montrée inflexible sur cette question et critique l’ingérence américaine dans ses affaires intérieures.

Une vision chinoise "réaliste" du phénomène religieux

En septembre 2009, un livre blanc est publié par le bureau de l’information et du conseil des affaires d’État, intitulé « politique ethnique de la Chine et prospérité et développement commun de tous les groupes ethniques ». Ce document-cadre pose les fondations de la politique chinoise concernant les questions religieuses et ethniques. Il stipule que la Chine est déterminée, « en conformité avec ses lois en vigueur, à se protéger contre toute infiltration quelle que soit sa forme, à lutter contre le sabotage et les actions subversives menées par les forces du terrorisme, du séparatisme et de l’extrémisme ». A travers ces quelques lignes, on voit bien que la Chine n’entend pas lutter contre les religions et leurs valeurs, mais contre les actions qui tendraient à déstabiliser la cohésion du pays. Autrement dit, la Chine cherche à contrecarrer des forces centrifuges. A travers le terme d’infiltration, on distingue une mise à l’index parla Chine de puissances étrangères qui tendraient à utiliser les religions et les ethnies comme vecteur de déstabilisation.

Cette méfiance de la Chine vis-à-vis de l’influence étrangère dans ses affaires intérieures continue de se manifester avec la tension historique entretenue entre la République populaire et le Vatican. En effet, la désignation des évêques chinois ne se fait pas dans les couloirs de la Basilique Saint Pierre, mais au bureau du parti communiste à Pékin. Le PCC voit encore le Saint Siège comme un acteur tentant d’intervenir dans ses affaires intérieures. De plus, les Etats-Unis soutiennent les groupes religieux évangéliques à travers l’International Religious Freedom Act signé par le congrès américain en 1998. Ce document affirme le soutien des Etats-Unis dans sa politique étrangère à la liberté religieuse dans chaque pays7.

En octobre 2007, le président chinois Hu Jin Tao avait affirmé son attachement à une liberté religieuse totale en Chine. Néanmoins, les faits indiquent le contraire, tant la Chine s’inquiète du développement de ces églises chrétiennes venues de l’étranger. Le développement des églises évangéliques est considéré à terme comme pouvant être une menace pour le système communiste, en détournant les Chinois vers les valeurs libérales, notamment américaines.