Le phénomène évangélique dans la vie politique éthiopienne : de Abiy Ahmed à l’Union africaine

  • Sébastien Callies

    Sébastien Callies

    Chercheur, collaborateur de l’Observatoire géopolitique du religieux

En Éthiopie, le Grand barrage de la Renaissance – plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique – situé sur le Nil bleu, montre l’émergence économique de ce pays fascinant. Ce projet déployé par l’État éthiopien, au carrefour de l’Égypte et du Soudan, est au coeur des enjeux stratégiques de la Corne de l’Afrique. Autonomie énergétique, soutenabilité de la croissance et affirmation sur le plan continental, c’est la crédibilité de la puissance de ce grand pays qui en dépend. Cette construction pharaonique masque toutefois les déchirures profondes de l’Éthiopie. Le piège du fédéralisme ethnique se referme sur l’Éthiopie : sa diversité ethnique est utilisée comme élément de division pour mieux régner. Depuis les guerres civiles séparatistes de la fin des années 1970, l’Éthiopie n’arrive pas à se séparer de cette problématique. La guerre interethnique du Tigré, région du nord de l’Éthiopie, sur fond de luttes de pouvoir et d’influences de novembre 2020 à novembre 2022 et ses plusieurs dizaines de milliers de morts en est une ultime conséquence. Le colosse éthiopien en constitution conserve ses faiblesses. La fragilité interne se manifeste aussi par de nouvelles évolutions sociétales impressionnantes. Outre la démographie qui explose (2e État le plus peuplé d’Afrique derrière le Nigeria avec ses plus de 120 millions d’habitants), le fait religieux en mutation est aussi au coeur des stratégies d’influence au sein de la vie politique éthiopienne.