Notes / Observatoire de l’Allemagne
5 septembre 2022
Rupture stratégique : la « Zeitenwende » remise en question

En attaquant l’Ukraine le 24 février 2022, la Russie a définitivement fait ses adieux à l’architecture de sécurité européenne, dont les principes fondateurs – inscrits dans l’Acte final d’Helsinki de 1975 et dans la Charte de Paris de 1990, ainsi que dans la charte des Nations Unies de 1945 – comprenaient notamment l’inviolabilité des frontières, le non-recours à la violence et l’égalité souveraine des États dans le choix de leurs alliances. Cette manifestation armée de la renaissance de l’impérialisme et du revanchisme russe a bouleversé les certitudes et habitudes sur le continent européen, tout particulièrement en Allemagne, un pays notoirement connu pour son attachement au règlement pacifique des conflits.
Jusqu’au 24 février, sorte de « 11 septembre européen », le nouveau gouvernement tripartite allemand veillait ainsi scrupuleusement à ne pas froisser Moscou, tout en tentant de faire baisser les tensions par le dialogue. Alors même que plus de 100 000 soldats russes étaient massés le long de la frontière ukrainienne, Berlin refusait l’envoi d’armes à Kiev et bloquait même de telles livraisons par des tiers, en invoquant des « raisons historiques », mettant ainsi en doute son ancrage occidental chez ses partenaires, l’accusant d’hypocrisie. Espérant jusqu’au dernier moment un succès de la diplomatie de la longue table, l’attaque russe et l’escalade des tensions les jours suivants – allant jusqu’à la mise en alerte des forces stratégiques russes – furent vécus comme un véritable choc outre-Rhin et ébranlèrent un bon nombre de certitudes. La peur d’une troisième guerre mondiale et d’une guerre nucléaire, bien ancrée dans l’inconscient collectif allemand depuis la guerre froide, était de retour…