Les ambiguïtés de la lutte antidrogue chinoise

  • Victor Keller

    Victor Keller

    Analyste stratégique, diplômé de Master en relations internationales

En 2012, la Chine est devenue la première puissance commerciale au monde et, comme l’a fait remarquer l’ancien directeur de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Antonio Maria Costa, « ce qui est frappant sur la carte mondiale des itinéraires de trafic, c’est que la plupart des flux illicites vont, et/ou émanent de grandes puissances économiques. En d’autres termes, les principaux partenaires commerciaux au monde sont aussi les plus grands marchés au monde pour les biens et services illicites » . La Chine est aujourd’hui au cœur de l’économie mondiale ; il est indubitable qu’elle exerce aussi un rôle croissant dans l’économie souterraine globale. Le trafic de drogues, avec près de 243 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est le commerce illicite le plus lucratif au monde .

Dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, le rôle de la Chine est généralement méconnu. Si les États-Unis mènent leur propre guerre à la drogue depuis plus d’un siècle, guerre qui sert parfois des objectifs géopolitiques (en Amérique du Sud notamment ), le reste des États souverains se contentent souvent de gérer le trafic de stupéfiants sur leurs propres territoires. Or, on l’a vu, la Chine exerce aujourd’hui un rôle majeur dans les flux commerciaux mondiaux. Pays des guerres de l’opium, la Chine est indirectement voire directement concernée par deux régions historiquement productrices de pavot, le Triangle d’Or (zone transfrontalière entre le Laos, la Birmanie, et la Thaïlande) et le Croissant d’Or (espace de production chevauchant l’Afghanistan, l’Iran, et le Pakistan). Enfin, avec 1,4 milliard d’habitants, la Chine est immanquablement un immense marché de consommation. Tous ces éléments soulèvent des interrogations auxquelles nous reviendrons à la fin de cette introduction…