Une nouvelle séquence de la relation euro-turque

La visite à Paris du président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, a suscité de multiples commentaires qui indiquent une nouvelle fois l’importance et la complexité des rapports avec ce pays. Au-delà des aspects strictement bilatéraux, le contenu de la conférence de presse commune des deux présidents exprime très certainement le début d’une nouvelle séquence de la relation euro-turque et marque un infléchissement dont les conséquences n’apparaissent pas encore clairement.

La situation politique en Turquie est infiniment préoccupante car l’Etat de droit y subit des entorses récurrentes qui sont contradictoires avec le socle des principes démocratiques. Il est impératif d’aborder ces questions avec les responsables turcs d’une manière franche et exigeante, sans pour autant jamais se poser en donneur de leçons. En ce sens, la dénonciation de la venue en France de R. T. Erdoğan, présenté comme un dictateur, voire même la demande de l’annulation de cette visite, sont non seulement absurdes mais aussi contre-productives. Absurde parce qu’à ce compte il faudrait couper les relations avec plus de la moitié des Etats de la planète, jugés indignes d’un dialogue pourtant nécessaire. Contre-productive parce que refuser de rencontrer le président turc serait le meilleur moyen de le conforter dans sa politique et d’amplifier les turbulences qui existent déjà dans nos relations. La visite a eu lieu et nous nous en félicitons.

Les thèmes abordés ont été nombreux. Au centre, la question du rapport entre la Turquie et l’Union européenne (UE). Emmanuel Macron a été particulièrement explicite : « Pour ce qui est de la relation avec l’Union européenne, il est clair que les évolutions récentes et les choix ne permettent aucune avancée du processus engagé – nous avons eu une discussion très franche sur ce sujet – mais je pense que la coopération, le travail exigeant d’un dialogue qui doit être repensé, reformulé dans un contexte plus contemporain et prenant en compte les réalités aujourd’hui qui sont les nôtres, doit être proposé dans les prochains mois. […] Et je souhaite que nous puissions reprendre un dialogue apaisé qui permette de construire une relation qui est essentielle à mes yeux à la fois pour nous-mêmes, pour la région et la stabilité, qui ancre la Turquie dans ce dialogue avec l’UE. Mais il est évident que nous devons sortir d’une hypocrisie qui consisterait à penser qu’une progression naturelle vers l’ouverture de nouveaux chapitres est possible, ça n’est pas vrai. »…