Cinq ans dans la Chine de Xi Jinping

  • Frédéric Lemaître

    Frédéric Lemaître

    Journaliste au Monde

  • Emmanuel Lincot

    Emmanuel Lincot

    Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

EMMANUEL LINCOT : Ce séjour en Chine vous a-t-il conduit à repenser votre pratique du journalisme, eu égard à vos expériences précédentes, en Allemagne, notamment ?

FRÉDÉRIC LEMAÎTRE : Absolument. Je savais bien entendu en partant à Pékin que les Chinois n’avaient aucun respect pour la liberté de la presse, mais je n’avais pas anticipé à quel point la notion même de journaliste y était différente. Une grande partie des Chinois ont intériorisé le fait que le rôle des journalistes n’est que de relayer les informations officielles. Comme l’a dit Xi Jinping, les journalistes chinois sont aux ordres du Parti communiste. Du coup, les journalistes occidentaux n’y sont pas vus comme des concurrents – comme les ingénieurs occidentaux peuvent l’être par les ingénieurs chinois par exemple – mais comme des « troublemakers » comme me l’a dit un jour un intellectuel chinois.  Quand ils parlent de journalisme ou de démocratie, Chinois et Occidentaux ne parlent pas de la même chose et c’est un problème. Autre incompréhension qui découle de ce décalage : les Chinois nous jugent en fonction de notre nationalité. Pour eux, un journaliste français est supposé leur être moins hostile qu’un journaliste américain.