Notes / Asia Focus
24 mai 2017
La Chine, talon d’Achille de l’Union européenne

En 2015, la Chine et l’Union européenne (UE) ont fêté le 40ème anniversaire de leur coopération, amorcée par la reconnaissance mutuelle en 1975 entre la République populaire de Chine (RPC) et ce qui était alors l’ancêtre de l’Union européenne, la Communauté économique européenne (CEE). Cet acte diplomatique ouvre une nouvelle ère des relations sino-européennes, entachées du douloureux souvenir chinois du « siècle de la honte » et verrouillées par le contexte géopolitique bipolaire que la guerre froide a instauré. Depuis, la relation sino-européenne n’aura de cesse de s’approfondir, tant économiquement que sur le plan politique, puisqu’elles sont devenues aujourd’hui des partenaires cruciaux sur la scène internationale. Si à ses débuts, la relation sino-européenne ne se fondait que sur des préoccupations économiques et financières, elle se dote à la fin de la guerre froide, puis à l’avènement de l’UE, d’une dimension stratégique nouvelle, fondée sur des intérêts politiques et diplomatiques réciproques. Cette nouvelle dimension est officialisée par le Partenariat global en 2003 et couvre la politique extérieure, la sécurité et certains autres enjeux globaux. Aujourd’hui, l’UE est le principal partenaire de la Chine, qui, bientôt, sera en mesure de lui offrir la réciproque.
Dans les années 1970, le successeur de Mao, Deng Xiao Ping, réactive les relations sino-européennes malgré un échiquier international en tension entre deux pôles idéologiques rivaux ; il signe ainsi de nombreux accords économiques avec la CEE afin de permettre le développement économique chinois. Dans les années 1990, la Chine et l’UE dotent leur relation bilatérale d’un caractère stratégique nouveau, développant ainsi leurs relations diplomatiques et politiques. En cause, la chute de l’URSS et la victoire des États-Unis, mais aussi la volonté de la fraîchement née Union européenne de jouer un rôle politique d’envergure internationale. La Chine, quant à elle, voit dans l’UE un partenaire puissant capable de contrebalancer la suprématie de Washington, en plus de permettre son développement économique. En effet, l’UE permettra, non sans difficultés, l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001.
Toutefois, la stratégie économique chinoise envers l’Union européenne a changé : délaissant Bruxelles, la Chine a fait le choix de relations bilatérales privilégiées avec chacun des pays de l’UE – principalement avec l’Allemagne, devenue son interlocuteur privilégié. Ce changement de stratégie s’explique par une prise de conscience par la Chine des faiblesses de l’UE – tant organique que politique -, qu’elle choisit d’exploiter à son avantage.
En effet, la stratégie chinoise n’a pas changé sans raison : face à une Union européenne désunie et incapable de proposer une ligne politique cohérente vis-à-vis de Pékin, la RPC a préféré délaisser les institutions bruxelloises, qui ont montré leur faiblesse structurelle. Les relations bilatérales entre chaque membre de l’UE avec la Chine fleurissent et s’approfondissement à mesure que la relation sino-européenne, soit avec l’UE dans sa totalité, se fane.
Plus particulièrement, les relations sino-allemandes, privilégiées entre toutes prennent progressivement le pas sur les relations sino-européennes, dont elles sont le moteur. Interlocuteur privilégié de la Chine en Europe, Berlin semble revêtir le rôle de négociateur incombant initialement à la Commission européenne, acculée à l’aporie à cause de luttes intestines entre pays membres. Cette posture chinoise, qui voit en l’Allemagne le leader européen, dénote d’un déséquilibre économique et politique fort en Europe, ainsi qu’une asymétrie due à la prépondérance de Berlin dans la marche politique européenne. Un déséquilibre d’autant plus inquiétant que l’Allemagne pourrait privilégier ses propres intérêts économiques, adoptant une posture unilatérale avec la Chine dont les répercussions concerneraient alors l’Europe entière…