Trump et la redéfinition du traité de sécurité nippo-américain : quelles conséquences pour la politique de défense japonaise ?

  • Alexis Mathé

    Alexis Mathé

    Diplômé d’IRIS Sup’, spécialisé sur les questions de défense en Asie

Avec un montant de 43,1 milliards d’euros pour 2017, le budget de la défense japonaise se classe au huitième rang mondial, juste derrière la France. Traditionnellement fondée sur la protection de l’intégrité du territoire nippon, la doctrine des forces d’autodéfense japonaises (FAD) accorde aujourd’hui la priorité au renforcement des capacités aéronavales au large des côtes, en se focalisant sur la mer de Chine orientale. Le fameux « pivot vers l’Asie » initié par Barack Obama après son arrivée au pouvoir en 2009 fait du Japon, allié traditionnel des États-Unis dans la région, le premier concerné par les décisions de Donald Trump. Face à l’imprévisibilité qui caractérise le nouveau président des États-Unis, l’allié nippon doit s’adapter à ce style peu conventionnel en matière de politique étrangère.

De fait, les premières déclarations de Donald Trump au sujet du Japon n’ont pas été tendres : décision d’abandonner le Partenariat transpacifique (TTP), critiques acerbes de la politique monétaire japonaise et surtout remise en question des termes du traité de sécurité liant les États-Unis et le Japon depuis 1951. Tokyo a ainsi semblé naviguer à vue, déstabilisé par les annonces tonitruantes et les décisions parfois hâtives du leader de la première puissance mondiale. Or, si la première rencontre entre Donald Trump et Shinzo Abe le 10 février a permis d’arrondir les angles, de nombreuses questions restent en suspens. Les déclarations retentissantes du nouveau locataire de la Maison-Blanche ont-elles eu un impact sur la relation jusque-là privilégiée entretenue par les deux nations ? Si la Chine est autant considérée comme le partenaire économique incontournable des États-Unis que son adversaire, la montée en puissance graduelle de l’armée populaire de libération (APL) remet en cause l’hégémonie américaine en Extrême-Orient ; et donc sa capacité à assurer la protection de ses alliés historiques, tels que le Japon ou encore Taïwan. Quant à la Corée du Nord, ses récents essais de missiles longue portée voués à tester la nouvelle administration américaine ont inquiété le Japon et la Corée du Sud, qui seraient en première ligne en cas de conflit entre Pyongyang et Washington. Se disant prêt à régler le problème nord-coréen au besoin sans l’aide de Pékin, le président américain a remis l’option militaire sur la table, afin d’accentuer la pression sur Pyongyang. Ce nouveau moyen de pression risqué a permis de rassurer Tokyo sur la volonté réelle d’engagement de Washington dans la région. Quant à la décision de Donald Trump de renégocier le traité de sécurité nippo-américain, elle pourrait représenter l’occasion attendue par Shinzo Abe et les conservateurs japonais pour plaider plus activement en faveur d’une modification de la Constitution au profit des FAD.Le Premier ministre nippon rêve en effet d’un Japon moderne, parlant d’égal à égal avec les États-Unis et ayant fait table rase du passé, quitte à être accusé de révisionnisme. Pourtant pro-américain, Shinzo Abe joue un jeu complexe d’équilibriste, entre d’une part soumission à Washington et pacifisme et de l’autre, un nationalisme exacerbé teinté de révisionnisme. Cette situation inédite pousse à s’interroger sur les conséquences que la nouvelle politique étrangère instaurée par Donald Trump peut avoir sur la politique de défense japonaise…