ANALYSES

Royaume-Uni : pourquoi Boris Johnson renonce à la succession de David Cameron

Presse
29 juin 2016
Interview de Olivier de France - BFM-TV
Le conservateur Boris Johnson, qui avait mené une campagne sans relâche pour le Brexit, a finalement préféré se retirer de la course à la succession de David Cameron refusant ainsi de « prendre ses responsabilités » et d’être le Premier ministre qui va organiser la sortie du pays de l’Union européenne. Une décision surprenante? BFMTV.com a interrogé Olivier de France, directeur de recherche à l’Iris et spécialiste des questions européennes.

Boris Johnson a-t-il compris que prendre la suite de David Cameron était un « cadeau empoisonné » ?

En vérité, on a l’impression que rien de tout cela n’a été préparé. Au moment où le pays a besoin d’un leader, on a l’impression que tout le monde fait preuve d’amateurisme. Michael Gove, [le ministre de la Justice actuel et l’un des artisans de la victoire du Brexit], qui avait annoncé dès l’abord ne pas briguer la succession de David Cameron, se présente aujourd’hui. A l’inverse, Boris Johnson qui lorgnait le poste, ne se présentera finalement pas.
Les choses se sont retournées contre lui, tant sur le plan stratégique que sur le plan tactique. Sur le plan stratégique, comme l’avaient au fond prévu les experts de tous bords, les conséquences pour le Royaume-Uni sont désormais claires pour tous, et très sérieuses. Or Boris n’en tirera même pas les marrons du feu sur le plan tactique, car il a dû renoncer à ses ambitions personnelles, du moins pour aujourd’hui.
Boris Johnson est certainement quelqu’un de brillant, et c’est un bon tribun, mais il a été désavoué au sein même de son camp. Il semblerait qu’il incarne une figure trop clivante, pas assez technique, sans œil suffisant du détail, sans le sens des responsabilités et la solidité nécessaire pour être une véritable figure nationale.

Désormais, quel peut-être le potentiel successeur de David Cameron ?

C’est entre eux, Theresa May et Michael Gove que cela devrait se jouer. Boris Johnson s’est retiré de la course après la déclaration de candidature de Michael Gove, qui s’est désolidarisé de Johnson. Il semblerait, de plus, que le Daily Mail et le Sun ne veulent pas soutenir Boris Johnson sans l’appui de Michael Gove.
Si le ministre de la Justice a toujours été en faveur du Brexit, Theresa May, elle, a fait campagne dans le camp anti-Brexit, par loyauté gouvernementale principalement. Elle peut faire figure de compromis pour le parti conservateur. C’est un personnage modéré qui peut représenter un compromis entre les deux camps, ce qui pourrait faciliter les négociations avec l’UE. Elle a de l’expérience, elle est ministre de l’Intérieur et elle est dans le gouvernement depuis longtemps.

Quels enjeux attendent le nouveau Premier ministre ?

Le nouveau Premier ministre devra tout d’abord apaiser le pays, en proie à d’importantes fracturations internes.
Ensuite, tenter de retrouver une unité nationale et enfin, il devra démontrer son sens des responsabilités pour regagner la confiance de citoyens sur qui, les jours qui ont suivi le référendum, risquent d’avoir eu un effet dévastateur.

Propos recueillis par Aurore Coulaud
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